LE TEMPS DES SUCRES 

 

Texte de Michel Bourassa

 

 

Sources : Gilles Isabelle, Michel Désilets, Jean-Marc Bellemare, Michel Desaulniers et souvenirs personnels.

 

Photos : Spotted Yamachiche 2.0, collection André Desaulniers, collection Blanche Allary, collection Normand J.-O. Bellemare et journal Le Nouvelliste.

Photo : Avril 1929, Arthur Boucher et Véronique St-Onge à leur cabane à sucre, au rang Petite-Rivière-Nord de Yamachiche. Il faut remarquer que l’eau de cette chaudière en bois était vidée dans un grand tonneau, lequel reposait sur un traîneau à patins tiré par traction animale.
 
Plusieurs citoyens de Yamachiche possèdent encore des boisés de feuillus composés principalement d’érables comme essence d’arbre et ont su profiter de cette chance en entaillant ces dits érables pour leur eau sucrée, laquelle sert à faire du sirop, de la tire, du beurre et du sucre d’érable. La méthode traditionnelle d’entailler les arbres, soit avec des chalumeaux, a beaucoup diminué et les entailles de ceux-ci se font maintenant avec des tuyaux de néoprène, lesquels tuyaux relient tous les arbres à des contenants situés à des endroits stratégiques de l’érablière.
 
 
Un exemple typique d’une famille d’acériculteurs , de père en fils, est celui des Isabelle de Grande-Rivière-Nord, laquelle a vu Roméo œuvrer sur son érablière jusqu’en 1929, pour passer le flambeau à son fils Gilles Isabelle, lequel entailla entre 600 et 800 arbres par année, toujours à la manière artisanale, soit avec chaudières et cheval pour le ramassage de l’eau, ce dans un tonneau. Michel Désilets a pris le relais de Gilles en 1980 et Michel a réussi, bon an mal an, à installer entre 400 et 600 chaudières, respectant la tradition de cet érablière, soit cueillir l’eau à cheval avec un réservoir adapté pour cette fonction.  En 2018, Michel opère dans une érablière à Saint-Thomas-de-Caxton, à proximité de Yamachiche, ce  depuis maintenant quelques années et il possède une cabane des plus spacieuses et des plus confortables pouvant accueillir plusieurs dizaines de personnes.

Georges Milot et Émile Bellemare furent d’autres producteurs de sirop à la manière artisanale pour leur propre consommation, sans nécessairement être pour la vente.

    

Photo : Journée à la cabane à sucre chez les Lapointe, Yamachiche, en 1957.

 

Aujourd’hui, même si les plus importants producteurs de sirop d’érable du Québec sont installés sur tubulures, plusieurs plus petits continuent sur le système artisanal, soit en ramassant l’eau avec des chaudières et en tracteur avec un réservoir métallique pour l’eau.

1957, Photo: Employés de Thomas Bellemare à la cabane à sucre.

 

À la décennie 1960, entre autres, Gaston Houle organisait des sorties à la cabane dans son érablière du chemin Grande-Rivière-Nord et sa clientèle appréciait particulièrement ses fameuses crêpes dans le sirop, lesquelles étaient préparées par son épouse avec une recette leur donnant un goût unique des plus savoureux.

Photo : Cabane à sucre de Léon Girardin.

 

Dans les années 1970 et 1980, de concert avec Thomas Bellemare (propriétaire de la cabane à sucre), Alphonse Doyon, garagiste bien connu de Yamachiche, passait ses journées du temps des sucres à la cabane sur le bord du lac Saint-Pierre, soit au chemin des Bellemare (avant la tranchée Des Sables), ce qui représentait des vacances pour lui; ces deux copains faisaient « bouillir » une bonne partie de chacune des nuits de cette période afin de recueillir le fruit de leurs efforts au petit jour, soit le sirop tant convoité. Alphonse aimait tellement cette activité printanière qu’à une de ces années, il avait fait croire à son médecin qu’il ne pouvait pas se faire opérer pour un malaise quelconque, car il devait faire un voyage dans le Sud prévu à la même date, lequel devait durer un mois. De retour chez son médecin, celui-ci lui demanda s’il avait fait un bon voyage et M. Alphonse lui rétorqua que c’était dans le sud de Yamachiche à son érablière et non dans les pays chauds! M. Doyon produisait assez de sirop pour sa famille et ses amis. À son décès, son fils Gérard a pris la relève jusqu’au moins les premières années de ce présent millénaire, ce sur tubulures dans les dernières saisons printanières.

 

 

Un autre producteur de sirop œuvra à chaque année ou presque et il répond à Jacques Bergeron, aidé de sa famille lors des jours où l’eau coule le plus, car il faut la ramasser sur un terrain accidenté et ensuite, la faire bouillir. Cette tradition familiale s’est maintenue pendant plusieurs année, ce jusqu’à tout récemment, soit 2016. Les quelques centaines d’entailles se faisaient aux érables situés dans l’ancien passage de la Petite rivière Yamachiche, lequel longe la dernière partie de la rue Gérin-Lajoie jusqu’au cul-de-sac pour ensuite continuer vers la rivière, ce parallèle à l’autoroute 40.

 

En 1995 et ce, pendant au moins 10 ans, même s’il n’avait pas une érablière, un producteur de sirop d’érable a réussi à s’auto-suffire en sirop en posant ses chaudières sur plusieurs érables des terrains privés de la municipalité de Yamachiche (rue Sainte-Anne, chemin des Petites-Terres, rue Conrad-Gugy, rue Bellemare et chemin des Caron, entre autres), évidemment en ayant eu la permission des propriétaires. En effet, à ces endroits, Jean-Marc Bellemare a entaillé assez d’érables pour  ses 150 à 200 chaudières, et parfois plus, selon l’année. Il ramassait son eau avec un réservoir métallique dans la boîte de son camion et possédait chez-lui une installation de distillation pour la fabrication de son sirop.

 

 

Dans le passé, les entailles des premiers érables débutaient le 19 mars, soit à la fête de Saint Joseph, date baromètre pour la plupart des acériculteurs de Yamachiche et de la région.

 

Dans un article du journal Le Nouvelliste de 2016 sur un producteur de sirop d’érable et ses produits dérivés de Grande-Rivière-Nord, soit Jean-Pierre Clavet, on pouvait lire que celui-ci produisait Bio sur presque à 100%, tenant même à ramasser son eau avec une « tonne » installée sur un traîneau à patins tiré par un cheval. Son poêle à bois était une antiquité de 1897 et il faisait bouillir son eau dans une vieille bouilleuse à bois bien entretenue. Sa production certifiée biologique était presque entièrement vendue à un restaurant montréalais.

Photo Le Nouvelliste, avril 2016 : Jean-Pierre Clavet.

 

La réputation de Jean-Pierre Clavet n’était plus à faire, rendue jusqu’en Europe, ayant déjà reçu des gens de la Grande-Bretagne venus voir ses installations. Ses 600 entailles et plus ont toujours été faites à la main, sans tubulures. Depuis quelques années, il organise des parties de sucres dans sa bâtisse pouvant accueillir sa clientèle régulière, laquelle est toujours bien servie.

 

En somme, le territoire de Yamachiche a toujours été favorable à cette exploitation printanière et au fil des années, plusieurs citoyens ont profité du travail de ces producteurs en consommant régulièrement ces produits naturels comme l’eau, le réduit, le sirop, le beurre, la tire et le sucre d’érable, tout en, plusieurs occasions, profitant de belles journées à la cabane.