IMPATIENTES DES EAUX
Texte de Michel Bourassa
Photos : Guy Gélinas
Dans les milieux naturels
comme Pointe-Yamachiche, il faut s’attendre à voir des phénomènes
imprévus lors de certaines de nos visites en un tel endroit et dès les
premiers jours de juillet 2019, la « grande rivière Yamachiche » a
débuté l’un d’eux par le dévoilement d’une implantation d’une colonie à
ses premiers balbutiements répondant à une plante bien connue, soit
l’Impatiente du Cap.
Ce dit phénomène a pu se produire grâce à la chute d’un peuplier géant
dans la rivière, lequel a freiné la route de tous les débris végétaux et
ligneux se dirigeant vers le lac Saint-Pierre, ce lors de la crue
printanière des eaux. En hautes eaux, ce longiligne ligneux voyait les
arbres morts sous la forme de troncs dénudés de différentes espèces
(parfois tordus et souvent cassés), de branches et de rameaux,
venir s’appuyer sur son corps bien ancré à chacune des rives et trempant
partiellement dans le liquide souvent vaseux du cours d’eau. Justement,
ces matières organiques descendant dans le courant, comme le sable, la
terre, les feuilles mortes et les plantes diverses en décomposition ont
été les fondations pour l’établissement de l’Impatiente du Cap.

S’entremêlant et s’encastrant les uns aux autres, ces éléments
nécessaires afin de confectionner un original tapis triangulaire à la
largeur de la rivière ont permis à l’étape suivante de s’enclencher,
soit le dépôt des matières déjà mentionnées, lesquelles matières ont
ensuite accueilli la semence d’innombrables Impatientes du Cap en
devenir. Cette espèce de plante avait trouvé un site idéal pour faire
son lit et pour grandir en toute sécurité tout en ayant la nourriture
voulue dans les sédiments fournis par le débit d’eau de ce plancher
providentiel et tout en ayant évidemment la certitude de ne jamais
manquer d’eau. Pendant plus de trois semaines, plus d’une trentaine de
regroupements de plants à tiges creuses, assez bien répartis sur cette
surface triangulaire, se sont très efficacement enracinés et lorsque
rendus en pleine croissance, montrer toute la beauté de leurs fleurs
orangées tachetées de points noirs faisant penser à l’acné des
adolescents.
Ces fleurs orangées aux fruits capricieux qui refusent le moindre
attouchement par le rejet instantané de leurs graines, poussent
habituellement à proximité de la Grande ortie, une plante irritante pour
la peau. Dans la nature, comme il existe une certaine symbiose entre
tous les éléments la composant, il n’y a pas de hasard à cette situation
de proximité car le liquide contenu dans chacune des tiges de
l’Impatiente du Cap a comme propriété de soulager cette irritation
causée par les feuilles de cette espèce d’ortie; il en est de même pour
le soulagement des démangeaisons causées par le Sumac vénéneux. Il
suffit de frotter les endroits atteints avec des tiges écrasées pour
faire jaillir le liquide et le tour est joué!

Au fil des jours de juillet et du début de ceux d’août, la beauté de
cette colonie d’Impatientes du Cap prenait de l’ampleur et attirait non
seulement les regards enchantés des passants au rivage de la rivière,
mais contribuait également à sustenter les Bourdons, les Guêpes et les
Colibris à gorge rubis par le suc contenu dans le calice de chacune des
fleurs tout en voyant des Chevaliers grivelés et des Chevaliers
solitaires se promener au pied de chacune des tiges afin de capter tout
insecte ou tout autre invertébré s’y trouvant; il ne faut pas oublier le
Rat surmulot et le Rat musqué, entre autres, lesquels réussissaient à
obtenir leur compte. Le Grand Héron, la Grande Aigrette et le
Martin-pêcheur d’Amérique appréciaient eux aussi ce lieu paradisiaque,
avec ses perchoirs providentiels, ces derniers les aidant à capturer les
alevins nageant dans les filets d’eau du tapis de bois cosmopolite dans
sa composition.
L’Impatiente du Cap ne pouvait pas avoir meilleur endroit pour grandir,
mais ce qui devait arriver arriva et l’embâcle a dû être défait dans sa
presque totalité, laissant quand même quelques agglomérations de cette
plante captivante, surtout près de chacune des rives. L’été 2019 aura
permis d’assister à cette attraction naturelle dans un des points
stratégiques de la rivière menant au rivage de Pointe-Yamachiche et
merci à la nature qui aura ravi tous les usagers de ce site par son
ingéniosité de tous les instants.
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