Le Nouvelliste 5 août 1999

 

La Régie veut cadenasser ses installations

Une dure bataille est à prévoir entre un pisciculteur et la Régie de Grandpré

Brigitte Trahan
Sainte-Angèle-de-Prémont

Le propriétaire de la pisciculture Sapin vert, de Sainte-Angèle-de-Prémont, M. Jacques Bélanger, est menacé d'injonction interlocutoire et d'une action en injonction permanente de la part de la Régie de Grandpré.

Les deux parties ont exposé leur point de vue devant le juge Robert Legris, mardi, et il semble que ce dernier n'ait pas été convaincu de l'urgence de mettre en application les mesures proposées par Me Jacques Tremblay, procureur de la Régie, pour mettre un frein aux activités de pompage du pisciculteur.

L'avocat de M. Bélanger, Me André Melançon, de Louiseville, a obtenu une remise de la cause au 16 août, ce qui devrait lui permettre d'ici là de consulter des hydrogéologues et d'étoffer sa défense.


(Photo Alain Bédard)
La réaction du juge Legris
augure bien pour
M.Jacques Bélanger
.

Ce nouvel affrontement, dans le dossier de l'eau dans la MRC de Maskinongé, a débuté lorsque la Régie s'est rendu compte que M. Bélanger venait d'installer une troisième pompe pour alimenter sa pisciculture, le 12 juillet.Selon elle, le niveau de la nappe phréatique a baissé de 10 à 12 cm par jour depuis, une situation inquiétante considérant que la nappe avait déjà subi une baisse de six mètres et demi depuis juin 1998

La régie fait aussi valoir que la capacité d'extraction des installations de M. Bélanger est maintenant de 1 728 000 gallons impériaux par jour, "ce qui correspond presque la consommation totale de l'ensemble de la population desservie par la régie".

La Régie prétend qu'en agissant de la sorte, M. Bélanger exerce "une escalade de pression (...) sur la Régie demanderesse pour la forcer d'acquérir sa propriété". On a donc demandé à la cour d'ordonner l'arrêt de la troisième pompe et de cesser l'utilisation de tout système de pompage. On veut même exiger du pisciculteur qu'il cadenasse, maintienne fermé et condamne tous les puits d'alimentation en eau sur son lot sauf dans le cas d'un puits de 250 gallons qui alimente sa pisciculture.

L'avocat du défendeur, Me Melançon, pense que c'est la Régie qui a été toute cette situation en refusant, depuis le début, de faire une offre à son client pour son terrain, une opinion que semble partager le juge Legris. "Qui cherche l'équité doit d'abord la pratiquer", a-t-il prévenu au moment de l'ordonnance intérimaire.

"Vous avez des gens qui créent une situation et ensuite viennent s'en plaindre et veulent empêcher quelqu'un qui n'a rien fait de nature à provoquer un dommage mais a toujours agi en réaction aux gestes posés par la Régie. Donc on voudra: le tuer, finalement, le faire disparaître", calcule Me Melançon.

La position adoptée par le juge Legris représente un excellent point de départ, selon Me Melançon. "Ça donne un peu le ton. En matière d'injonction, quand le juge, au départ, dit: Oups !, c'est assez grave on va arrêter ça, là tu te dis que pour le futur, tu devras réajuster ton tir. Mais là, notre tir est correct. Notre position est bien perçue par le juge.'

La question reste à savoir pourquoi la Régie n'a-t-elle jamais voulu faire une offre à M. Bélanger ou l'exproprier, tout simplement. "S'ils (les administrateurs de la Régie) avaient acheté au départ, ils n'auraient peut être même pas eu besoin d'exproprier. Mais il n'y a jamais eu d'offre", plaide Me Melançon.

Cette question s'impose aussi dans un contexte où les sources d'eau de la Régie sont en difficulté et où la Régie étudie la possibilité d'utiliser l'eau peu appétissante de la rivière Maskinongé pour réalimenter le puits de Sainte-Ursule, une perspective dont les citoyens ne veulent pas entendre parler..

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