Le Nouvelliste 14 octobre 2018
 
«Ça va être la pagaille»

Marie-Eve Lafontaine

 


Le cannabis sera légal à partir de mercredi. Il sera d'ailleurs en vente notamment dans la succursale de la SQDC de Trois-Rivières. Si c'est la loi provinciale qui s'applique à partir de mercredi, plusieurs municipalités envisagent d'adopter un réglementation plus restrictive au cours des prochains mois.
-Olivier Croteau

TROIS-RIVIÈRES — L’amateur de cannabis risque d’en perdre son latin, et ce ne sera pas en raison des effluves de la marijuana: dans quelle municipalité pourra-t-il fumer et où pourra-t-il le faire exactement? C’est la question de l’heure alors que la légalisation du cannabis devient officielle mercredi.

Pour l’instant, quelques municipalités ont décidé d’interdire carrément le cannabis dans tout lieu public. C’est le cas de La Tuque mais aussi de Yamachiche et Notre-Dame-du-Mont-Carmel. Les citoyens ne pourront donc consommer que dans une résidence ou sur un terrain privés.

«On a un projet de règlement qui est à l’étude présentement à la Sûreté du Québec qui consiste à interdire le cannabis dans tous les lieux publics comme les rues, les trottoirs. On juge que la fumée peut être néfaste pour les enfants et les non-fumeurs qui ne veulent pas inhaler cette substance. On voit mal quelqu’un qui fume du cannabis sur le trottoir près d’une école», mentionne Paul Carbonneau, maire de Yamachiche.

«Le cannabis ne sera pas toléré dans les espaces publics. On veut que ce soit restreint aux propriétés privées. On ne veut pas exposer les enfants. J’œuvre dans le milieu de l’éducation avec les jeunes et ça me préoccupe beaucoup», note Luc Dostaler, maire de Notre-Dame-du-Mont-Carmel. Mont-Carmel pourrait adopter ce règlement à la séance municipale du 5 novembre.

Malgré tout, la Sûreté du Québec insiste pour que les municipalités uniformisent leur réglementation relativement au cannabis. Les comités de sécurité publique des différentes MRC ont eu des rencontres à ce sujet. Des réflexions sont amorcées.

Plusieurs maires espèrent aussi qu’un consensus va finir par émerger. «Dans la MRC de Maskinongé, on est 17 municipalités. Est-ce que le policier va se promener avec un livre pour savoir où les gens peuvent fumer et où ils ne le peuvent pas? Ça va être la pagaille. Si un gars fume son joint dans un champ à Yamachiche, il va se faire arrêter. Mais s’il le fume à Louiseville ça va être correct?», se questionne Yvon Deshaies, maire de Louiseville. «Il [le gouvernement] aurait dû tout de suite nous suggérer un règlement. Là ça va être le free-for-all. Il n’y aura pas une Municipalité qui va dire la même chose», croit Jean-Claude Milot, maire de Saint-Luc-de-Vincennes.

Alcool ou cigarette?

En résumé, les Municipalités s’inspirent de deux modèles: la réglementation sur la cigarette et celle sur l’alcool qui est plus restrictive. D’autres pourraient opter pour une alternative inspirée d’un peu des deux.

Plusieurs municipalités ont déjà laissé savoir qu’elles vont se coller à la réglementation de la cigarette qui correspond à ce qui est prévu dans la Loi encadrant le cannabis, qui entre en vigueur mercredi. C’est le cas notamment de Trois-Rivières et de Shawinigan. En clair, selon cette loi, fumer de la marijuana sera interdit aux mêmes endroits que le tabac.

D’autres municipalités attendent avant de légiférer puisqu’il est possible que le nouveau gouvernement de la CAQ interdise éventuellement la consommation du cannabis dans tous les lieux publics de la province.

Dans la MRC de Bécancour, qui compte 12 municipalités, l’interdiction dans les lieux publics est à l’étude. «C’est pour l’éviter surtout dans les parcs. On est des petites municipalités. On n’a pas les mêmes contrôles que les villes qui ont leur propre sécurité publique ou des agents de sécurité», explique Mario Lyonnais, maire de Sainte-Françoise et préfet de la MRC de Bécancour. La réflexion n’est toutefois pas finalisée. Un règlement pourrait être adopté à la fin de l’année ou même au début de 2019.

Les maires de la MRC Nicolet-Yamaska, qui comprend 16 municipalités, vont aussi analyser l’option d’interdire le cannabis dans les lieux publics. «Ça pourrait être plus restrictif au départ parce que justement on ne connaît pas tous les impacts. Mais plusieurs éléments peuvent être appelés à changer au cours des prochaines semaines», précise Michel Côté, directeur général de la MRC Nicolet-Yasmaska.

À la Ville de Bécancour, pour l’instant, on laisse une chance à la loi provinciale. «Avant de réglementer, attendons de voir s’il y a un problème. S’il y a un problème, on légiférera», mentionne le maire, Jean-Guy Dubois.

À la ville de Nicolet, un règlement devrait être adopté lundi soir. Sa teneur sera annoncée à ce moment-là.

Dans les autres MRC (Des Chenaux, Maskinongé et Mékinac) aussi, aucune décision n’a encore été prise. «La Sûreté du Québec demande que les règlements des municipalités locales soient uniformes. On va devoir travailler là-dessus. Il faut consulter chacune des municipalités pour savoir si on va venir à bout de s’entendre sur un même règlement», explique Gérard Bruneau, maire de Saint-Maurice et préfet de la MRC des Chenaux, dont 9 municipalités sur 10 sont desservies par le poste de la Sûreté du Québec de Sainte-Anne-de-la-Pérade. C’est le poste de Shawinigan qui est en charge de Notre-Dame-du-Mont-Carmel.

Dans Mékinac, où se trouvent 10 municipalités, le cannabis pourrait être interdit à plus d’endroits prévus que par la loi provinciale comme les parcs. «Il faut être permissif un peu, mais en même temps, envoyer un signal qu’on ne tolérera pas le cannabis dans des événements ou des parcs où il y a des enfants», précise Bernard Thompson, maire de Hérouxville et préfet de la MRC de Mékinac.