L'enquête conclut que le bateau à l'origine des dommages
«contrevenait à l'avis à la navigation en vigueur» de la Garde
Côtière canadienne qui demandait alors aux navires marchands
d'adopter «une vitesse sécuritaire» à cause du très haut niveau du
fleuve.
On se rappellera qu'à cette date, plusieurs municipalités du
Québec, dont Yamachiche, étaient en effet aux prises avec
d'importantes inondations.
Un résumé du rapport de Transports Canada a été déposé il y a
deux semaines sur son site web. Le ministre Marc Garneau a également
commenté le dossier en indiquant que le navire porte-conteneur en
question, le EM KEA, battant pavillon du Liberia, «a circulé à une
vitesse excessive».
Pourtant, l'enquête confirme qu'il y avait bel et bien un pilote
breveté membre de la Corporation des pilotes du Saint-Laurent
Central à bord du navire au moment des événements survenus vers 4 h
du matin.
Toujours selon le ministre Garneau, «aucune situation critique ne
nécessitait que le navire circule à une telle vitesse sur le lac
Saint-Pierre».
La Corporation des pilotes du Saint-Laurent Central a elle aussi
émis un communiqué, sur son site web, au même moment et ne fait en
aucun cas allusion aux raisons pouvant expliquer pourquoi le navire
de transport a navigué à aussi grande vitesse malgré la présence
d'un pilote du Saint-Laurent dont la mission, écrit-elle, est
«d'assurer la sécurité du fleuve et des citoyens riverains».
Le navire est en effet entré dans le lac Saint-Pierre à une
vitesse de 13,8 noeuds. «Il aurait par la suite augmenté constamment
pour atteindre 17,6 noeuds, en face d'Yamachiche et jusqu'à 18,6 noeuds
un peu plus loin», indique le résumé du rapport.
«L'EM KEA aurait par la suite réduit sa vitesse à la sortie du
lac Saint-Pierre. Les moteurs fonctionnaient à plein régime», ajoute
le document qui ne précise toutefois pas comment il se fait que le
pilote du Saint-Laurent ne soit pas intervenu.
C'est l'Administration de pilotage des Laurentides qui a pris
part à cette enquête. Le directeur exécutif, sécurité et efficacité
maritimes, le capitaine Alain Richard, indique que «dans notre
enquête, on en est venu à une conclusion que différents facteurs ont
fait que le pilote avait sous-estimé, probablement, l'effet que le
navire allait avoir sur la vague étant donné les niveaux d'eau».
Pour des questions de confidentialité, le capitaine Richard n'a
pu en dire plus sinon que des mesures disciplinaires ont été prises
contre le pilote.
Le capitaine ajoute que le pilote «s'est fait prendre» par des
circonstances exceptionnelles et n'aurait jamais pensé que le navire
aurait pu causer une si grosse vague, explique-t-il.
La consigne de la Garde côtière demandant aux pilotes d'adopter
une «vitesse sécuritaire» était sujette à interprétation,
ajoute-t-il.
Toutefois, les relevés de vitesse de tous les navires commerciaux
qui ont transité sur le lac Saint-Pierre dans les 48 heures
entourant l'événement indiquent que ceux-ci n'ont pas dépassé les
14,4 noeuds, sauf l'EM KEA, précise le résumé du rapport.
Le président de la Corporation des pilotes du Saint-Laurent
Centre, le capitaine Alain Arseneault, indique dans son communiqué
de presse que «des directives appropriées sont en place pour de
telles conditions et que les pilotes de la Corporation reconnaissent
l'importance d'appliquer de telles directives».
Le CPSLC plaide néanmoins, dans son communiqué que «l'incident
d'Yamachiche s'est produit dans des circonstances uniques et
exceptionnelles.» Le capitaine Arseneault, avait même déclaré dans
une entrevue au Nouvelliste, peu après les événements, que
parmi les facteurs à l'étude pouvant avoir causé le sinistre, il y
aurait «une combinaison de facteurs hydrologiques et
météorologiques». Or, le rapport final d'enquête soutient que «les
conditions météorologiques au moment de l'incident ne semblent pas
être en cause».
«Le rapport prouve ce que je dis depuis le début», indique une
des victimes de cet incident, le directeur artistique Jean-François
Blais, qui avait organisé le spectacle-bénéfice Inondé d'amour au
profit des sinistrés. L'événement, rappelons-le, avait permis
d'amasser 87 700 $ auxquels près de 10 000 $ ont été ajoutés par le
gouvernement du Québec, soit la TVQ prélevée sur la vente
des billets.
M. Blais est mécontent de voir que les résultats de l'enquête
soient passés ainsi sous le radar alors qu'ils sont publics depuis
la mi-juillet et qu'ils étaient fort attendus des victimes.
Le sinistré croit qu'il «faut responsabiliser les pilotes».
«Il faut qu'il y ait des sanctions. Il faut qu'il y ait un
responsable. Moi, si je fais un excès de vitesse et que je mets la
sécurité des gens en danger, j'ai une responsabilité. Je peux être
poursuivi», fait-il valoir.
Ce dernier plaide notamment en faveur d'une «réglementation plus
serrée». À ce chapitre, le ministre Garneau précise que, «la Loi sur
le pilotage fait présentement l'objet d'une révision».
«Cet incident», dit le ministre, «démontre clairement la
nécessité d'accroître l'imputabilité et les pénalités en lien avec
les actions de la part des pilotes qui exercent leurs activités au
nom des organisations de pilotage reconnues. J'ai l'intention
d'aborder cette question durant le processus de révision», dit-il.
Pour sa part, le capitaine Richard assure que des mesures seront
prises pour éviter que pareil incident se reproduise, notamment en
intégrant un module dans la formation des nouveaux pilotes, à ce
sujet et en faisant de la sensibilisation et de la formation auprès
des pilotes déjà actifs dans son organisation.