Le Nouvelliste 29 janvier 2009

Récupération Mauricie: l'endettement ou la fermeture

Récupération Mauricie: l'endettement ou la fermeture

La direction de Récupération Mauricie est déçue des mesures annoncées hier par Québec pour soutenir les centres de tri. Aucune aide financière directe ne fait partie de ces mesures. «L'entonnoir dans lequel la ministre nous place, c'est de s'endetter un peu plus», constate le président de Récupération Mauricie, Jean-Guy Doucet.
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Ève Guillemette

Brigitte Trahan

(Saint-Étienne-des-Grès) La ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs, Line Beauchamp, a annoncé, hier, un train de mesures qu'elle qualifie de «justes et équilibrées» pour soutenir les centres de tri du Québec aux prises avec la crise économique, des qualificatifs qui sont loin de faire l'unanimité auprès de la direction de Récupération Mauricie du Québec.

En effet, aucune aide financière directe ne fait partie de ces mesures. Tous les centres de tri au Québec seront plutôt admissibles à des programmes de garanties financières pour combler leurs besoins en liquidités et c'est l'organisme Recyc-Québec qui a été autorisé à fournir ces garanties.

«C'est une grande déception», a déclaré hier le président de Récupération Mauricie, Jean-Guy Doucet. Pour son organisme, cette mesure se traduit par une autorisation d'emprunter entre 300 000 $ et 350 000 $. «L'entonnoir dans lequel la ministre nous place, c'est de s'endetter un peu plus», constate-t-il. «Il n'y a rien qui nous aide, à moins que les prix reprennent tranquillement et là, on va être endetté pendant des années», déplore-t-il.

Au cours des prochains jours, dit-il, le conseil d'administration devra donc faire un choix déchirant entre «prolonger l'agonie» ou maintenir l'objectif de fermer les livres le 28 février comme prévu.


La situation pourrait obliger la mise à pied de 160 personnes en Mauricie, dont 120 personnes handicapées et l'on ignore encore quel sort sera réservé à la récupération elle-même.
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Ève Guillemette

«On voulait un petit peu d'oxygène pour régler la crise», rappelle Jean-Guy Doucet. Pour le Québec, ce petit peu d'oxygène c'était 15 millions $ au cours des six prochains mois. En Mauricie, ça aurait représenté 250 000 $.

Or, l'argent est là, plaide-t-il. «J'ai vu le bilan de Recyc-Québec, cette semaine. Il y a 40 millions $ dans les coffres qui proviennent de compagnies qui doivent des redevances.» Et puis Éco-entreprises, cet organisme créé justement pour donner des redevances au milieu de la récupération, retient actuellement environ 1,5 million $ qu'il doit depuis 2007 aux municipalités. «Cet argent est retenu parce qu'on ne s'entend pas sur les modalités de versement», explique M. Doucet qui voudrait bien en voir enfin la couleur.

Le directeur général de Récupération Mauricie, Michel Camirand, n'en revient pas que la ministre ait fait la sourde oreille face aux revendications de Réseau Environnement. Cet organisme, qui regroupe la totalité des opérateurs de centres de tri au Québec, demandait une aide de 35 $ la tonne, dont 17,50 $ sous forme de subventions directes et 17,50 $ sous forme de prêt.

Équitables, les mesures annoncées par la ministre? Si l'on en croit Récupération Mauricie, elles équivalent à donner libre cours au marché.

«Dans son entourage, certaines rumeurs ont couru que la crise était pour nettoyer l'industrie de la récupération. Les plus forts vont rester, les plus faibles vont disparaître. Quand les plus faibles auront disparu et que les plus forts seront en place, on va être pris avec les plus forts et je ne suis pas sûr que le Québec va être gagnant», prévient Michel Camirand.

 

Les mesures annoncées par la ministre Line Beauchamp

Les centres de tri seront admissibles à des programmes de garanties financières.

Recyc-Québec a été autorisée à fournir les garanties financières pour les centres de tri municipaux et Investissement Québec agira comme guichet unique.

Des modifications législatives permettront aux municipalités d'ajuster, sur une base volontaire, les contrats les liant aux centres de tri jusqu'au retour à la normale du cours des matières.

Création d'un fonds public-privé pour aider financièrement les centres de tri à améliorer les opérations, la rentabilité et la qualité de leurs produits.

Création d'un Comité conjoint sur le marché des matières recyclables.

Sensibiliser les centres de tri à l'existence des programmes existants de subventions salariales et de formation de la main-d'oeuvre.

 

Qu'arrivera-t-il de la récupération?

Les membres du conseil d'administration devraient se réunir au début de la semaine prochaine afin de déterminer s'ils acceptent d'endetter leur entreprise encore plus pour le placer quelques mois sous respirateur artificiel ou s'ils fermeront les portes comme prévu, le 28 février.

Que la ministre qualifie ces mesures de justes et équilibrées fait sourciller le président de RCM, Jean-Guy Doucet. «On n'a pas laissé aller le marché pour les producteurs de porcs», compare-t-il. «On leur a donné 500 millions $. Mais l'environnement et les personnes handicapées, ce n'est pas important», fulmine-t-il. «L'UPA peut mettre du purin sur la Colline parlementaire ou sur l'autoroute 20, ce qu'on n'a pas fait, nous autres. Pourtant, le problème est exactement le même», plaide M. Doucet.

Pour le président de Récupération Mauricie et son directeur général, Michel Camirand, il est clair que les mesures annoncées sont le résultat d'influences de la part du secteur privé.

«On nous dit qu'on ne peut aider personne parce que ça nuirait à la compétition», illustre Jean-Guy  Doucet. «On nous dit qu'il y a de l'argent dans les coffres, mais on ne nous le donne pas parce qu'on laisse aller le libre marché.»

Le malheur des uns, c'est-à-dire la fermeture de Récupération Mauricie, ferait le bonheur des autres, laisse entendre Michel Camirand: «Qui aurait avantage à ramasser la matière ici?», demande-t-il.

«Des gens qui se plaignent en disant qu'ils ont de la difficulté à s'approvisionner en papier et en carton au Québec parce qu'on vend aux Chinois. Curieusement, ces mêmes entreprises-là vendent aux Chinois», fait-il valoir.

C'est là un élément fort important sur lequel le futur Comité conjoint sur le marché des matières recyclables, qui fait partie des mesures annoncées hier par la ministre, devra réfléchir, dit-il.

Ce dernier se questionne sur ce qui arrivera des matières si Récupération Mauricie, à l'instar de cinq autres centres de tri au Québec, ferme ses portes à la fin de février.

«On ne peut pas penser à faire venir de la récupération et à faire transporter la matière sur des centaines de kilomètres et avoir un bilan environnemental positif», fait-il valoir. «Le véritable débat n'a pas été fait», constate-t-il avec déception.

 

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