Le Nouvelliste 27 janvier 2009

Angoisse chez les employés des centres de tri

Angoisse chez les employés des centres de tri
Photo: Stéphane Lessard
Quelques employés du Groupe RCM ont voulu rencontrer Le Nouvelliste afin d'exprimer ce que signifie pour eux la menace de fermeture de leur entreprise adaptée. De gauche à droite: Jacqueline Guillemette, Christiane Guillemette, Luc Collard, Yannick Lefebvre et Linda Piché.

Brigitte Trahan

(Yamachiche) Fermeront? Fermeront pas? Les 160 employés des centres de tri de Récupération Mauricie à Saint-Étienne-des-Grès et du Groupe RCM à Yamachiche attendent avec angoisse que la ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs, Line Beauchamp, finisse enfin par se prononcer sur leur sort.

Au moins 3 % d'entre eux sont en congé de maladie pour stress ou dépression à cause de l'angoisse et de l'incertitude générées par cette situation, raconte la responsable des ressources humaines, Danielle Marchand.

Frappés de plein fouet par la crise des marchés mondiaux, les deux centres de tri de la Mauricie ont été contraints, rappelons-le, d'envoyer un avis de cessation d'emploi au personnel, en décembre, effectif le 28 février.

La lettre a été reçue comme un dur coup au coeur.

Il faut dire que des 160 employés, 120 sont reconnus comme handicapés par Emploi-Québec. «Le tiers a un problème de santé mentale et on a des doubles diagnostiques, de la déficience intellectuelle et des problèmes de santé mentale», explique-t-elle.

«Le cheminement qui les attend, c'est de s'en aller vers l'assurance-emploi et ensuite vers la sécurité du revenu parce qu'ils ont peu de chances de se retrouver un emploi. Donc, au bout de la ligne, c'est la société qui va continuer à les payer», déplore Mme Marchand.

Luc Collard, pour un, est certain que personne ne voudrait l'embaucher si le Groupe RCM ferme ses portes. «J'ai eu une greffe cervicale qui m'a rendu comme un légume pendant cinq mois et j'ai un défibrillateur au coeur», fait-il valoir. Aujourd'hui, malgré son handicap, il est chauffeur de chariot-élévateur et peut se vanter d'avoir travaillé 27 ans au Groupe RCM, «28 ans au mois d'août», espère-t-il. Il est même un des fondateurs de l'entreprise. «On mettait 20 $ par semaine pour payer le loyer et pour que ça parte, au début. On a fait ça pendant un an. On aurait pu tout perdre, mais finalement, on a récupéré notre argent», raconte-t-il. RCM, dit-il, «c'est comme mon bébé. Je l'ai vu grandir.»

Certes, M. Collard a besoin d'un petit coup de main dans l'usine quand il faut forcer un peu, mais c'est comme ça chez RCM, tout le monde s'entraide, raconte Yannick Lefebvre, un jeune père de famille qui n'a pas été longtemps à l'école, comme il le dit lui même, mais qui travaille avec coeur au ventre et conviction pour sa famille et pour l'environnement, explique-t-il.

Chez RCM, il y a des gens qui ne savant ni lire, ni écrire, raconte Danielle Marchand, d'autres sont sourds, d'autres encore ont un handicap physique. Certains ont besoin plus que les autres d'encadrement. Ils sont autistes ou doivent composer avec des troubles d'apprentissage. Certains arriveront à maîtriser leur travail en un mois. Pour d'autres, l'apprentissage prendra six mois, parfois un an.

«Ce sont des gens qui ne peuvent pas trouver un emploi régulier», plaide Mme Marchand.

 

Des employés et des emplois exceptionnels

Chez RCM, raconte-t-elle, elle a non seulement trouvé une oreille attentive, mais un employeur respectueux. «Tu as n'importe quel problème, ils vont t'écouter. Ils vont prendre le temps de voir comment ils peuvent t'intégrer.»

Linda Piché est une jeune maman de deux enfants et travaille chez RCM depuis 10 ans. «Mon problème, c'est l'apprentissage», raconte-t-elle. À l'école, se souvient-elle, ce problème faisait en sorte qu'elle était à part des autres. «J'étais rejetée», confie-t-elle. Quand elle est arrivée au centre de tri adapté du Groupe RCM, «j'étais gênée. Je ne parlais à personne», dit-elle.

Les choses ont toutefois bien changé depuis son intégration dans ce milieu. «Je me sens mieux avec du monde comme nous», dit-elle. «Je me sens dans mon univers.» Linda Piché est très fière lorsque son jeune garçon lui demande où elle s'en va, le matin. «Je vais travailler», lui répond-elle. «C'est ça qu'il enregistre», raconte la jeune femme qui souhaite donner l'exemple à sa petite famille.

«Leur travail, c'est toute leur vie», fait valoir Danielle Marchand, responsable des ressources humaines et éducatrice prêtée par le Centre de services en déficience intellectuelle.

Bien encadrés par des intervenants compétents, les employés du Groupe RCM sont bien conscients de l'importance de leur travail pour l'environnement. Ils savent aussi que ce n'est pas tout le  monde qui aimerait faire leur boulot. «Il y a des contaminants, dans les matières qu'on reçoit ici», signale Yannick Lefebvre. «On a trouvé des sous-vêtements sales», illustre-t-il. «Et des couches», renchérit Linda Piché.

Malgré tout, les employés du Groupe RCM et de Récupération Mauricie sont fiers de leur travail. «Il y a une bonne ambiance de camaraderie», signale Mme Piché. «On s'entraide parce qu'on a tous des handicaps», ajoute Jacqueline Guillemette.

La mise à pied des 160 employés de RCM et Récupération Mauricie représenterait plus que deux fermetures d'usines pour la région. «Quelqu'un qui perd son emploi dans une usine ordinaire se revire de bord et peut s'en trouver un autre. Pas eux», plaide Danielle Marchand.

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