Le Nouvelliste 15 septembre 2007


«On l'appelait le terroriste»

Saïd Namouh a occupé différents emplois dans la région

Marie-Eve Lafontaine
marie-eve.lafontaine@lenouvelliste.qc.ca

Yamachiche — «On l'appelait le terroriste. C'était son surnom.»

Assis à une table de pique-nique dans la cour de l'abattoir ATrahan, à Yamachiche, deux collègues de travail cassent la croûte à leur pause du midi. Ils veulent bien parler de leur désormais célèbre ex-collègue, Saïd Namouh, en autant qu'ils ne soient pas identifiés. Baptisons-les André et Pierre.

André raconte que certains travailleurs s'amusaient à tirer la pipe du Marocain, juste pour blaguer un peu. «Des Arabes, il n'y en a pas beaucoup à Yamachiche. On blaguait. Il riait. C'était amical. Je n'ai jamais senti que ça le dérangeait.»

Saïd Namouh entrait dans le jeu, selon les deux hommes. «Il disait qu'il allait faire sauter Gentilly-II, en riant. C'était des farces», assure André. «Disons que je les rirais moins aujourd'hui», réplique Pierre.

Selon les deux hommes, le résident de Maskinongé aurait travaillé à l'abattoir, qui compte quelque 200 employés, pendant un an et demi. Il aurait quitté son travail, selon leurs souvenirs, il y a environ deux ans. Il avait perdu son ancienneté après un voyage au Maroc, ce qui l'aurait incité à se trouver un nouvel emploi.

L'homme de 34 ans s'entendait bien avec ses collègues de travail. «C'était un gars bien normal. On se faisait du fun avec lui. Je n'aurais jamais cru ça», lance Pierre. «Moi, je ne l'ai pas cru. Tant que je ne l'ai pas lu dans le journal, je ne l'ai pas cru», ajoute André.
Rien ne le distinguait des autres à part son origine, selon un autre travailleur, Alpha Amadoudiallo.

«Il avait l'air normal. On se rendait visite de temps en temps, mais ça fait plus de six mois que je ne l'ai pas vu. C'était un gars gentil qui causait avec tout le monde.»

Saïd Namouh a également travaillé à l'entreprise Pliages de bois Louiseville de mars à novembre 2005. À cette entreprise de 16 employés, on ne le décrit pas comme quelqu'un avec qui on fait des blagues. On en parle d'abord comme d'un homme renfermé. «C'était une personne bien tranquille qui ne parlait pas beaucoup. Il ne parlait pas à beaucoup de monde. Il faisait plus écouter. Au break, il s'assoyait et il lisait», raconte David Fortin, un employé. «C'était un gars bien tranquille, bien à sa place, toujours très poli. Dès qu'on lui demandait de faire quelque chose, il le faisait. Jamais un mot plus haut que l'autre», ajoute M. Jean Lapointe, le propriétaire de l'entreprise.

Il était aussi très travaillant. «Il disait qu'il envoyait de l'argent au Maroc pour aider des personnes handicapées, des personnes pauvres. Il était toujours ouvert à faire du temps supplémentaire», mentionne M. Lapointe. Il a d'ailleurs quitté cet emploi en disant qu'il en avait trouvé un autre plus payant.

Saïd Namouh ne parlait pas de religion, mais il était pratiquant. «Il a fait le ramadan pendant qu'il travaillait ici, mais il est toujours entré au travail pareil», se souvient son ancien patron.

Comme tout le monde, M. Lapointe a été très surpris d'apprendre que son ex-employé était accusé d'avoir comploté pour perpétrer un attentat à la voiture piégée. «Ce fut la surprise totale quand je l'ai su. Disons que c'est surprenant surtout d'un gars aussi tranquille.»•

(fermer)