Le Nouvelliste 11 avril 2006

Johanne Delorme acquittée

Le juge n'a pu être convaincu hors de tout doute qu'elle était ivre
lors de l'accident qui a causé la mort de son fils

Claude Savary
Trois-Rivières

Johanne Delorme, une mère de 32 ans qui a été impliquée dans un accident routier le 19 mars 2004 sur la route menant de Charette à Yamachiche, accident qui a causé la mort de son fils de 4 ans, a finalement pu bénéficier du doute raisonnable. Elle a été acquittée des accusations de conduite d'un véhicule avec les facultés affaiblies causant la mort et des lésions corporelles et de conduite avec un taux supérieur d'alcool à la limite permise.

Cet acquittement a eu l'effet d'une bombe chez la famille du père du garçon décédé et ex-conjoint de Johanne Delorme.

 Le grand-père du bambin, Claude Goyette, a littéralement explosé dans les corridors du palais de justice en criant à tout rompre son désespoir. Il a même passé sa colère en frappant les murs tellement il ne comprenait pas la décision du juge Gilles Bergeron.
 

"Je suis découragé de la justice, je suis très, très désappointé", a-t-il dit avant d'éclater en sanglots. Puis, il a sorti de ses poches une petite photo montrant son petit-fils Maxime et la fille de son ex-compagne, Kim (qui prenait aussi place dans le véhicule lors de l'accident mais qui n'a subi que des blessures mineures).A l'instar de l'arrière-grand-mère, Rita Gendreau, il a dit que c'était un amour d'enfant, un petit être qu'ils chérissaient très fort.
Le juge Bergeron a fait le tour de la preuve soumise par la procureure de la Couronne, Me Joanne Tourville, et plus particulièrement les témoignages des experts, pour conclure qu'il y avait place à un doute raisonnable. Lors du procès, plusieurs éléments ne rendaient pas la cause très sympathique. Ainsi, après avoir été chercher son fils Maxime dans une garderie de l'Assomption, vers 16 h le jour de l'accident, Johanne Delorme s'est dirigée vers Charette pour aller chercher ses deux filles. En cours de route, elle s'est arrêtée dans un dépanneur pour acheter une bouteille de 200 millilitres de vin rouge. Elle boit toute la bouteille sur place et reprend sa route.


Le grand-père du bambin décédé, Claude Goyette tient une photo de son petit-fils Maxime en compagnie d'une des filles de l'accusée.
Photo: Sylvain Mayer

Arrivée à Charette, elle prend une bière chez le père de ses deux filles. Elle y reste près d'une heure avant de quitter vers 18 h 55. Elle s'arrête dans une petite épicerie de Charette et y achète deux bouteilles de bière.

PHOTO: SYLVAIN MAYER
Johanne Delorme a quitté rapidement le palais de justice de Trois-Rivières une fois prononcé le verdict d'acquittement.


Elle reprend aussitôt le volant. Alors qu'elle roule vers Yamachiche, elle s'ouvre une bouteille de bière et la consomme entièrement en cinq minutes à peine. Elle jette ensuite la bouteille vide par la fenêtre. Sa fille Kim réclame par ailleurs son attention pour lui montrer quelque chose. Johanne Delorme détourne un instant son attention de la route. Elle se retrouve sur l'accotement puis en tentant de ramener le véhicule sur la voie, elle provoque une embardée. Son fils Maxime est éjecté avec son siège d'enfant et est retrouvé face contre terre dans un champ. Bien que la mort ne sera officialisée que plus tard, l'enfant ne respire déjà plus. Johanne Delorme, prise de panique, demande à sa fille d'aller chercher de l'aide dans une maison des environs. Elle va de son côté chercher son fils et le ramène dans ses bras afin d'attendre les secours. «Mon dieu, il est mort, je l'ai tué...» dira-t-elle.

À leur arrivée sur les lieux de l'accident, les policiers s'interrogent à savoir s'ils doivent faire passer un test de dépistage d'alcool à la conductrice qui dégage une odeur d'alcool. Comme elle doit être conduite à l'hôpital, on lui fera un prélèvement sanguin en milieu de soirée. L'analyse de cet échantillon donnera un résultat de 119 milligrammes d'alcool par 100 millilitres de sang. Témoin expert pour la Couronne, le chimiste Jacques Tremblay a étudié différentes hypothèses pour déterminer finalement que le taux le plus bas que l'accusée pouvait avoir au moment de l'accident était de 104. De son côté, le chimiste Jean-Jacques Rousseau qui témoignait pour la défense a conclu que Johanne Delorme présentait assurément un taux d'alcool inférieur à la limite permise selon le scénario de consommation donné par l'accusée. Entre les deux versions, le juge Bergeron n'a pu tirer une conclusion définitive de telle sorte qu'il a fait bénéficier l'accusée du doute raisonnable. Même chose quant à l'hypothèse que Johanne Delorme avait les facultés affaiblies au moment de l'accident.

Comme l'avait plaidé la procureure de l'accusée, Me Maryse Brouillette, le juge Bergeron a trouvé plausible l'explication selon laquelle une distraction a causé la sortie de route et l'accident et pas nécessairement l'affaiblissement des facultés par l'alcool..

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