Le Nouvelliste 14 février 2006

«On ne s'est jamais couché sans s'embrasser»

Lucien et Thérèse Girardin sont mariés depuis 58 ans et parents de 11 filles

Brigitte Trahan
Yamachiche

Dans ce monde où les couples se font et se défont au même rythme effréné que celui de la consommation, un mariage qui dure depuis 58 ans est un événement en soi, une source de curiosité, voire un exploit. Surtout quand ce couple est toujours en amour.

Le secret de Lucien Girardin et de la douce Thérèse Boucher qu'il a épousée le 20 octobre 1947 est pourtant bien simple. «On ne s'est jamais couché sans s'embrasser», confie cette mère de 11 filles.

Simple, le truc, mais pas aussi facile qu'il n'y paraît. «Des fois, il a fallu jaser jusqu'à 2 h ou 3 h du matin», note M. Girardin. Mais ça en a toujours valu la peine, précise-t-il, «parce que sinon, on se serait levé fâché le lendemain et la question n'aurait pas été résolue.»

Quand on est cultivateur, qu'on se lève à 5 h le matin, que les semences et les récoltes nous gardent debout la nuit, qu'on travaille aussi dans la construction, qu'on doit coudre tous les vêtements de ses 11 enfants et tenir maison... on a tout avantage à bien s'entendre et à former une solide équipe.

Lucien et Thérèse Girardin, un mariage qui dure depuis 58 ans.
Photo: Stéphane Lessard

«Je n'ai jamais eu de secret pour lui mais ce qu'on se disait restait toujours entre nous», mentionne Mme Girardin.

Avant de se marier, juste après la guerre, Lucien Girardin, 19 ans, de Yamachiche et Thérèse Boucher, 20 ans, de Trois-Rivières, n'ont pas eu les mêmes opportunités que la jeune génération actuelle. Pas question de rester ensemble avant le mariage. De toute manière, se donner un simple baiser tenait du pur exploit. C'est que les tourtereaux se faisaient les yeux doux au salon, devant chaperon, dans ce temps-là. Et comme ils avaient des frères et des soeurs, le salon était souvent occupé par d'autres couples qui se courtisaient, raconte Mme Boucher. L'intimité... un mot rare, une situation inconnue.

«Au fond, ce qui était le plus important, c'était de connaître le caractère de la personne», explique M. Girardin. Pour le reste, ils auraient la vie pour en profiter. Quoi que le mot intimité n'a pas eu sa place bien rapidement après leur mariage, racontent-ils.

Dans ces années-là, en effet, il n'était pas rare que les jeunes couples doivent rester quelque temps chez leurs parents. Les nouveaux mariés ont donc vécu dans une maison où habitaient déjà deux autres couples soit le père et la mère de M. Girardin ainsi que son frère et sa belle-sœur. Malgré la proximité, leurs deux premières filles y sont nées.

Si ce couple avait eu à flancher, c'est peut-être là qu'il l'aurait fait, car Mme Girardin l'admet: «Trois couples dans une maison, ce n'est pas à conseiller. Heureusement, j'ai eu une belle-mère en or», dit-elle.

Les Girardin avaient pour leur dire qu'en se parlant et en se respectant mutuellement, on peut traverser bien des choses. «Je n'ai jamais crié de noms à mon mari. Ça reste marqué quand tu fais ça. Il ne faut pas», conseille la dame qui a toujours préféré miser sur les belles qualités qu'elle a admirées dès le début chez son Lucien. «Il était consciencieux, pas écervelé et pas vantard», rappelle-t-elle. La violence conjugale sous toutes ses formes est évidemment quelque chose d'inadmissible pour ces deux personnes qui comptent aujourd'hui 24 petits-enfants et 20 arrière-petits-enfants.

Grâce à cette attitude, les grandes épreuves qu'ils ont traversées les ont unis davantage. Une de leurs filles est décédée d'un accident de voiture tandis que leur plus jeune a perdu une partie de sa jambe dans un accident de ferme. Puis, il y a cinq ans, le feu est venu ravager leur garage et une partie de leur maison.

En dépit de tout cela, «on s'aime encore plus aujourd'hui qu'avant», confie M. Girardin. «Bien sûr, ce n'est pas de l'amour fougueux comme quand on était jeune», prend-il le soin de préciser. «Comme dit la chanson: le bonheur, c'est quand on donne un peu plus que l'on reçoit», ajoute Mme Girardin..

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