Le Nouvelliste 15 janvier 2005

«Voilà une femme qui veut se
faire battre, tant pis pour elle»

Le juge Gilles Bergeron profondément irrité par l'attitude d'une victime

CLAUDE SAVARY
Trois-Rivières

«Voilà une femme qui veut se faire battre, tant pis pour elle.» Le juge Gilles Bergeron, de la cour du Québec à Trois-Rivières, n'a pas fait dans la dentelle, hier, au palais de justice de Trois-Rivières, pour qualifier l'attitude d'une femme qui avait porté plainte plus tôt cette semaine pour violence conjugale.

C'est que devant le tribunal, elle venait de nier avoir quelque problème que ce soit avec son compagnon. Elle a même ajouté que c'est elle qui avait des problèmes de boisson.

Yves Gagnon, le prévenu dans cette affaire, un résidant de la rue Sainte-Anne à Yamachiche, se serait montré très agressif lorsqu'il a appris que ses enfants avaient été victimes de problèmes sérieux. Il aurait alors jeté son dévolu sur sa compagne de vie en la menaçant de mort. Cette femme n'a rien à voir avec les problèmes survenus aux enfants mais c'est elle qui semble avoir écopé de la colère de Gagnon.


Le juge Gilles Bergeron

Apeurée, la dame s'est réfugiée chez un ami à Sainte-Ursule. Selon l'agent Sylvain Massicotte de la Sûreté du Québec de Louiseville, lorsque la victime a déposé une plainte contre son compagnon, elle a dit qu'elle était victime de voies de fait, notamment des coups de pied et de poing, au moins une fois par mois depuis quatre ans. Quant aux événements qui se seraient produits mercredi de cette semaine,Yves Gagnon voulait s'en prendre au fils de son amie mais, à défaut de pouvoir lui dire directement, il s'est rabattu sur cette femme.

L'agent Massicotte a expliqué au tribunal que la victime avait raconté que si elle continuait d'habiter sous le même toit, c'est qu'elle avait terriblement peur de Gagnon. Elle aurait aussi dit que Gagnon l'avait menacée de la tuer si elle portait plainte.

La veille où des menaces de mort auraient été proférées, selon le policier, Yves Gagnon se serait rendu à Sainte-Ursule, à proximité de la résidence où sa compagne s'était réfugiée, pour lui «piquer une crise».

Il n'a pas tenté d'entrer dans la maison mais il aurait crié à tue-tête sa colère et sa frustration à la suite d'un coup de téléphone fait par la DPJ.

C'est après cela que les policiers ont été appelés et ont mis Gagnon en état d'arrestation. Selon l'agent Massicotte, la victime leur aurait dit qu'elle se comptait chanceuse d'être toujours vivante. Le policier a ajouté qu'en plusieurs occasions, des interventions avaient été faites auprès du couple.

«J'ai dit n'importe quoi...»

Me Serge Ouellet, le procureur d'Yves Gagnon, a fait témoigner la victime hier. Il lui a demandé si elle avait peur de cet homme si le tribunal le remettait en liberté. C'est alors que la femme de 41 ans a dit que non seulement elle n'avait pas peur de cet homme mais qu'en plus, elle était retournée habiter dans son logement.

Lorsque le procureur de la Couronne, Me Simon Ricard, lui a dit qu'elle avait porté plainte parce qu'elle avait peur des réaction de Gagnon, elle a répliqué en disant «...j'étais chaude et j'ai dit n'importe quoi à la police.» Elle a indiqué qu'elle avait un problème «assez fort» de boisson.

Me Ricard lui a aussi demandé si elle avait subi des pressions jeudi soir alors que Gagnon a communiqué à quelques reprises avec elle par voie téléphonique. La dame a répondu que tout ce que celui-ci lui aurait dit c'est qu'il n'allait pas bien. Et la victime en a rajouté «...J'ai jamais été victime de violence.»

Au-delà de sa volonté

En plaidoirie, Me Ricard a exhorté le juge Bergeron à ordonner la détention d'Yves Gagnon. D'une part en raison de ses nombreux antécédents judiciaires, dont plusieurs ont été qualifiés de violents par le procureur, et surtout pour protéger la victime. «On voit clairement que cette femme ment», a dit Me Ricard et c'est un bel exemple d'une victime qui préfère nier les faits par peur des conséquences. «Il faut aller au-delà de sa volonté de reprendre avec cet homme», a-t-il plaidé.

Mais le juge en avait déjà assez entendu. «Voilà une femme qui veut se faire battre, tant pis pour elle», a-t-il déploré en soulignant que, dans les circonstances, ça devenait son problème à elle. Visiblement, le président du tribunal était profondément irrité du comportement de la victime, surtout qu'en quittant la salle de cour, elle a esquissé un large sourire. «Vous avez vu comme moi», a donné à entendre le juge en notant qu'elle serait sans doute moins joyeuse si elle revenait un jour devant le tribunal avec les lèvres enflées.

Yves Gagnon a donc été remis en liberté à la condition de ne pas importuner sa compagne, son fils, et même l'homme qui a hébergé cette femme pendant quelques jours.

On lui a interdit de se rendre dans la municipalité de Sainte-Ursule on l'a obligé à signer une garantie financière de 1000 $. Le juge a dit à la victime qu'avec une attitude comme la sienne, les policiers seraient peut-être moins empressés à l'avenir de lui venir en aide. Gagnon devra revenir devant la cour le 10 février pour son enquête préliminaire.


claude.sarary@lenouvelliste.qc.ca

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