Le Nouvelliste 4 décembre 2004

LAC SAINT-PIERRE

Des scientifiques font le point

Québec

Brigitte Trahan
Le lac Saint-Pierre s'est fait bien maltraiter depuis 50 ans. Les rejets d'industries polluantes et d'égouts municipaux, les dragages ainsi que le batillage des navires marchands et des embarcations de plaisance sont au rang des principaux abuseurs.

Certains efforts entrepris il y a une dizaine d'années commencent toutefois à porter fruit. Les quantités de métaux lourds, pesticides, produits chimiques issus de l'agriculture et de la culture Les gazons et autres polluants toxiques ont diminué.

«Mais il n'en demeure pas moins que le lac Saint-Pierre est encore saturé de ces produits et qu'il reste beaucoup Je travail à faire», tient à préciser le professeur Richard Carignan de l'Université de Montréal qui publiait récemment des conclusions troublantes à ce sujet.

Le professeur Carignan ainsi qu'une dizaine d'autres scientifiques, chercheurs et défenseurs du lac
Saint-Pierre, ont donné des conférences sur les résultats les plus récents de leurs travaux, hier, dans le cadre des Dixièmes journées nationales du Réseau d'évaluation et de surveillance écologiques lui se tenaient à Québec.

M. Magella Pelletier du Centre Saint-Laurent, a pu constater que la contamination au mercure a chuté l'environ 50 % depuis 1986 tandis que lu côté des concentrations de phosphore et de chlorophylle, leur tendance est la baisse aussi depuis 1990, ont pu constater les chercheurs Serge Hébert du ministère de l'Environnement du Québec et Bernard Rondeau du Centre Saint-Laurent.


                                                                                                                                           Photo:Stéphane Lessard

Les quantités de métaux lourds, pesticides et autres produits chimiques ont diminué dans le lac Saint-Pierre depuis une dizaine d'années, mais il reste encore beaucoup de travail à faire.


Pesticides

Malgré tout, les pesticides sont omniprésents dans le lac Saint-Pierre. Ils arrivent des terres agricoles et aussi des milieux urbains où sont traités les gazons et ils sont lessivés par les pluies et entrent dans les cours d'eau puis sont acheminés jusque dans le fleuve Saint-Laurent. «On a trouvé jusqu'à 10 pesticides différents dans une même bouteille d'eau», racontent les scientifiques. C'est en juin, en pleine période d'épandage, que le maximum des concentrations sont observées. A elle seule, la rivière Yamaska déverse 50 % de l'atrazin (un herbicide) qui se retrouve dans le fleuve.

Les mêmes scientifiques constatent aussi qu'on assiste à une détérioration de la qualité bactériologique de l'eau depuis 1998 et la question des pollutions d'origines agricole et urbaine continue de préoccuper. Jusqu'à 50 % de la superficie du lac Saint-Pierre contient des concentrations de phosphore qui dépassent de loin les normes gouvernementales, a pu constater Richard Carignan.

Ce dernier n'arrive pas à concevoir qu'on puisse accepter, dans un pays civilisé, de voir des matières en suspension et des polluants être si concentrés dans les principaux tributaires du fleuve, qu'on peut très bien distinguer, par des photos satellites, leur eau qui se démarque par la couleur en entrant dans le fleuve.

Un choix

«Le lac Saint-Pierre est maltraité depuis 50 ans et il pourrait le rester encore pendant 50 ans si on ne fait rien. La qualité de l'eau y est déplorable. Mais ça dépend de ce que la population voudra en faire», plaide-t-il.

Ce n'est pas juste le lac Saint-Pierre qui est en danger, renchérit Magella Pelletier. «C'est tout le fleuve.» Pollution et dragages ont causé d'importants changements morphologiques sous l'eau. A cause de la sédimentation, le fond monte mais le niveau moyen de l'eau a aussi baissé de 30 cm sans doute à cause des effets du dragage sur 65 % de la longueur du fleuve jusqu'à présent, raconte M. Jean Morin du Service météorologique du Canada.

De l'éducation

Le président de la Coopérative de la Biosphère du lac Saint-Pierre, M. Normand Gariépy, croit lui aussi que le salut du lac Saint-Pierre passera par la volonté de la population, mais il faudra faire de l'éducation,
plaide-t-il et trouver moyen de sensibiliser le gouvernement afin avoir l'argent nécessaire pour poser les bons gestes. «Il faudra que les scientifiques descendent dans la rue», croit-il.

Dans la foulée des activités de la Biosphère, les élus des MRC riveraines ont formé une table chargée notamment d'étudier la ressource poisson du lac Saint-Pierre dans l'espoir d'apporter des solutions dans ce dossier au gouvernement. «Et ils ne sont même pas écoutés», déplore M. Gariépy.

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