Il faut réduire de 50 %
la récolte de perchaudes au lac Saint-Pierre
PRESSE CANADIENNE
Montréal
Si Québec veut consolider le stock vacillant
de perchaudes au lac Saint-Pierre, que des centaines de
personnes vont commencer à pêcher sur la glace cette
semaine, il faudra en 2005 réduire de 50 pour cent la
récolte annuelle par les pêcheurs sportifs et les
commerciaux.
Cet objectif ne pourra être atteint que par
le rachat de plusieurs permis de pêche commerciale sur deux
ans.
C'est ce que préconise le rapport déposé la
semaine dernière par le Comité consultatif conjoint pour la
gestion des stocks de poissons du lac Saint-Pierre, présidé
par André Thibault.
Ce rapport a été remis aux deux
ministres québécois qui l'avaient commandé, soit
Françoise Gauthier, ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation (MAPA), et Pierre
Corbeil, ministre délégué à la forêt et, jusqu'au 10
janvier, ministre de l'Environnement par intérim.
Le rapport Thibault, dont Le Devoir
a obtenu copie, recommande aux deux ministères de
limiter la récolte annuelle de perchaudes à 40
tonnes globalement, soit 30 tonnes allouées à la
pêche commerciale et 10 tonnes à la pêche sportive,
hivernale et estivale. La proportion 75-25 pour cent
que propose le comité consultatif correspond à la
proportion actuelle des deux modes de prélèvement.
Ces réductions permettraient, selon
les biologistes, de doubler d'ici cinq à sept ans le
stock de perchaudes du lac Saint-Pierre, un objectif
que partagent tous les membres du comité.
Le «programme volontaire de rachat»
des permis commerciaux devrait être ajusté,
recommande le rapport, de telle façon que la récolte
commerciale passe dès 2005 de 64,5 tonnes qu'elle
était l'an dernier à 30 tonnes. Quant à la pêche
sportive, elle passerait ainsi de 21,5 tonnes à 10
tonnes. |
L'objectif de réduire de 50 % la récolte de
perchaudes
au la Saint-Pierre ne pourra être atteint que par le
rachat de plusieurs permis de pêche commerciale.
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Pour atteindre cet objectif, le rapport
Thibault préconise d'augmenter la taille minimale des prises
sportives de 165 à 190 mm, d'exiger la remise à l'eau
obligatoire des perchaudes capturées durant la saison de
pêche en eau libre, de reporter l'ouverture de la pêche
hivernale du 20 décembre au 6 février et de limiter la
possession de 50 à 20 spécimens.
Selon les études scientifiques à la base de
ce rapport, malgré les mesures prises entre 1999 et 2003,
«aucun des indices de l'état du stock de perchaude du lac
Saint-Pierre ne s'est amélioré. Les débarquements de la
pêche commerciale se sont stabilisés de 2000 à 2003 mais ils
sont nettement inférieurs à ce qu'ils ont été dans la
période antérieure à 1995.
La population repose toujours sur des
individus jeunes et de petite taille, sur peu de classes
d'âge et le taux annuel de mortalité totale est toujours
élevé.»
Après des années d'études, de demi-mesures
et de tergiversations politiques, «il me semble inutile de
prolonger les débats : le temps en est à la décision»,
conclut le président Thibault.
Si les membres du comité consultatif sont
d'accord pour doubler la population de perchaudes au lac
Saint-Pierre, ils ne s'entendent pas cependant sur
l'échéancier de réduction de la récolte. Les représentants
de l'Agriculture préconisaient des réductions moindres,
étalées sur un plus grand nombre d'années. Les pêcheurs
commerciaux craignent de perdre leurs débouchés actuels et
de voir leur activité traditionnelle disparaître en cas de
réduction trop draconienne de la récolte.
Mais, notent les scientifiques, seule une
réduction de la mortalité globale des poissons de 75 pour
cent permettra d'atteindre cet objectif.
«C'est le seul scénario qui permet de
doubler la biomasse» de perchaudes, écrivent-ils. Une
diminution de 75 pour cent de la mortalité annuelle englobe
une réduction des captures de 50 pour cent ainsi qu'un
contrôle de plusieurs autres facteurs de mortalité, comme la
prédation par les cormorans et poissons prédateurs, les
maladies, des problèmes de niveau d'eau en phase de
reproduction, etc. Les représentants du MAPA et des pêcheurs
commerciaux n'ont pas pu savoir combien d'années seraient
nécessaires au rétablissement du stock si on ramenait le
taux de mortalité à 50 pour cent au lieu de 75 pour cent (à
laquelle correspond une réduction de la «récolte» de
moitié).
«Le comité scientifique ne peut répondre à
la question parce que les effets de mesure plafonnent dès
l'an sept», précise le rapport. Au-delà, les prévisions
n'ont pas de valeur.
Présentement, affirme le rapport Thibault, «l'état du stock
est à un niveau préoccupant et le stock de perchaude du lac
Saint-Pierre n'est pas en mesure de supporter les
prélèvements actuels pour offrir une pêche de qualité,
commerciale et sportive, et pour résister à des événements
comme ceux qui ont déjà amené une réduction radicale de la
biomasse de perchaudes».