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Parler
le yamachichien en plus |
Je pensais trouver une salle émotive et
survoltée et voilà que je me retrouvais en pleine
convivialité, avec du monde tout souriant et
fraternisant, à la bibliothèque municipale de
Yamachiche.
Ce n'est pas par hasard que je me suis
retrouvé là. C'était le seul endroit du village où il y
avait évidence de rassemblement. Il y avait bien là
quelques personnages-clés du débat qui fait rage à
Yamachiche, comme le maire, le président de la caisse
pop, le curé... Mais pas de débat.
En fait, tout ce monde était là pour
souligner le fait que la bibliothèque J-Alide-Pellerin a
acquis la «Collection Raymond Bellemare», qui comprend
une grande quantité de livres anglais destinés aux
élèves de l'école primaire Omer-Jules-Desaulniers.
Pour se rendre à la bibliothèque, il
faut traverser la cour de l'école. Je suis arrivé
pendant la récréation. Ça bougeait de partout. Il y
avait des garçons qui se bousculaient, qui se
chamaillaient, qui s'adressaient des petites invectives
sans méchanceté. Ça m'a rassuré. C'était comme ça dans
mon temps. Ça l'est encore.
Des enfants
N'empêche que je trouvais qu'il y avait
pas mal d'enfants. Pour un endroit comme Yamachiche, où
la population est visiblement vieillissante, c'était un
peu surprenant de retrouver tant de bouts de chou.
D'autant que la Commission scolaire a
déjà projeté, en 1979, de fermer l'école, faute
d'écoliers en nombre suffisant. La population de
Yamachiche s'était choquée, avait serré les coudes, tout
ce qu'il y avait d'autorités et de notables dans la
place, conseil municipal en tête, avait fait corps pour
conserver la dernière école du village. Yamachiche
l'avait emporté.
L'école, c'est une chose. Mais d'où
sortaient donc tous ces petits monstres, dans un village
de 3000 personnes, réputé grisonnant? Des environs. Car,
un peu à la manière des écoles privées, l'école
J-Alide-Pellerin s'est donnée une spécificité:
l'anglais. On y enseigne davantage l'anglais que dans
les autres écoles. Alors, des parents de Louiseville et
d'un peu partout aux alentours y inscrivent leurs
enfants dans l'espoir de les «bilinguiser».
Une autre mobilisation générale s'était
aussi formée à la fin des années 1990 pour tenter
d'empêcher la fermeture du foyer Ernest-Jacob. Cela
avait duré des années. Cette fois, ça n'avait pas
fonctionné. Yamachiche avait perdu.
La business
Moi, c'était pour la dernière
mobilisation que j'étais là. Le conseil municipal devait
débattre et prendre position dans le fameux dossier de
la caisse populaire qui a acheté de la fabrique un bout
du terrain de stationnement, face à l'église, pour y
réinstaller son centre de services. Un beau spot
commercial, le meilleur du village, payé 50 000 $ cash.
Un sacrilège pour une majorité de villageois. L'argent
qui achète le sacré, une atteinte à un patrimoine
paroissial unique au Québec (vraiment?), destruction
irréversible du patrimoine architectural de
Yamachiche... Il y en a eu des pleurs et des gros mots.
D'un côté, il y a la caisse et la
fabrique qui se sont entendues. C'est win-win. De
l'autre, un Comité de sauvegarde a démontré par pétition
que les trois quarts des gens étaient opposés au projet.
C'est ce comité qui a demandé au conseil municipal de
prendre position.
Alors, j'ai cherché à comprendre.
Pourquoi poursuivre la lutte quand on est déjà en train
de couler les fondations? La partie est jouée. Mais
comment la caisse et la fabrique ont-elles pu aller de
l'avant avec un projet qui est massivement rejeté par la
communauté qu'elles desservent?
D'un autre côté, l'église date de 1957.
Elle n'est pas vraiment historique, ni d'une
architecture d'exception. Et puis, c'est le cimetière
qui sera caché par la caisse, pas vraiment l'église. Et
puis pourquoi les grands leaders du mouvement
d'opposition sont des gens qui n'habitent plus la
place... et qui «ne paient pas leur dîme ici», comme on
m'a dit?
Je posais bien des questions. Alors,
quelqu'un m'a dit: «T'es pas Yamachichois, alors tu
parles pas la langue de la place.» Je veux bien besogner
dur, mais s'il me faut apprendre le «yamachichien» pour
comprendre, j'abandonne.