Au début de juin dernier, des plaintes de nuisance
émanant de mon voisinage au sujet de la longueur de ma
pelouse ont fait en sorte que j'ai reçu un avis
d'infraction à l'article concernant la propreté des
terrains. Je n'aurais jamais pensé que cela pouvait
arriver. Conscient de ne pas faire l'unanimité, le
simple bon sens me donnait tout de même à croire que la
longueur d'une pelouse était une question de goût.
Aussi, je fus fort surpris de recevoir cet avis. Les
gens de la municipalité n'ont fait que leur devoir en
faisant respecter ce qui paraît être la réglementation
en ce moment. Toutefois, après avoir pris du recul, je
ne veux pas laisser passer une occasion de contribuer à
une réflexion municipale sur ce sujet à travers le
Québec.
Étant habitué à respecter les goûts de mes voisins, même
divergents des miens, tant et aussi longtemps qu'ils
sont chez eux et ne m'occasionnent pas une nuisance
réelle, je m'attends à la réciproque. Or, ce
modus vivendi
élémentaire n'a pas été appris par tous, semble-t-il. À
ce que je sache, il n'y a pas de nuisance publique en
l'occurrence. Cela ne brise pas les infrastructures et
ce ne sont pas des immondices ou des odeurs
nauséabondes.
Au contraire, les bénéfices pour la santé humaine et
la diversité biologique sont clairement établis. Le
passage fréquent des bruyantes tondeuses à des
moments indus et l'épandage d'insecticides
potentiellement cancérigènes par des exterminateurs
à cause de pelouses trop courtes favorisant les
infestations d'insectes indésirables sont à mon avis
de bien plus sérieuses nuisances. Et pourtant je les
tolère.
Je constate au sujet des amateurs d'asphalte ou des
golfeurs en herbe que l'envers de leur vision
esthétique subjective est assimilé à de la
malpropreté. Dois-je rappeler que les canons de la
beauté sont relatifs'? Comme le disait un botaniste:
«Une mauvaise herbe est une plante dont on ne
connaît pas encore l'utilité.» J'ajoute: «C'est
aussi une merveille de la Création dont on
n'apprécie pas toute la beauté, car la plupart du
temps nous sommes contraints à la couper avant
qu'elle atteigne le stade de la floraison.»
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PHOTO : STÉPHANE LESSARD
Louis-Martin
Brousseau |
Serait-ce trop demander de pouvoir respecter le cycle vital complet
des plantes? Est-ce un crime de souhaiter avoir plusieurs espèces
d'herbes et de fleurs sauvages sur son terrain avec la diversité de
textures et de coloris que cela engendre? Est-ce envisageable
d'avoir chez soi une petite prairie obtenue par la libre expression
de la végétation à partir de la banque de semence naturelle du sol
et par l'ajout de quelques graminées fourragères et de plantes
indigènes afin d'embellir le tout d'une année à l'autre?
Si c'était rendu possible, je me propose certaines années
d'interrompre de mon plein gré le cycle vital des plantes, le 17
juillet, de manière à avoir un beau tapis vert en prévision de la
fête de sainte Anne. Primo, je suis sûr que la pelouse sera du plus
beau vert qui soit à ce moment et secundo ce sera encore plus fête
étant donné qu'elle n'aura pas été toute l'année dans cet état.
N'a-t-il pas déjà été dit: «L'ennui naquit un jour de la monotonie?»
C'est tellement vrai qu'il est fort possible qu'à un moment donné je
donne des allures de terrain de golf à mon terrain pour faire
changement.
Un homme de service m'a conseillé Lac-Édouard pour ce genre de
choses. Se pourrait-il qu'on puisse y arriver aussi ailleurs dans un
milieu plus urbanisé? Ce serait une grande victoire pour notre
qualité de vie et surtout pour l'environnement.
Moyennant les adaptations nécessaires, je souscris entièrement au
cadre théorique justifiant la gestion écologique de la végétation
des corridors autoroutiers du Québec. C'est une politique splendide
du ministère des Transports. N'est-il pas approprié d'étendre cette
initiative extrêmement intelligente aux abords des résidences?
Tant et aussi longtemps que la végétation ne nuit pas aux
infrastructures publiques, ne nuit pas à la santé de la
population et ne met pas en péril la sécurité du public, elle
devrait être acceptée, voire favorisée. Par
conséquent, la
pelouse longue, en soi, ne devrait plus être interdite. Il y aurait
lieu de voir à ce que la réglementation municipale soit amendée en
ce sens pour empêcher dorénavant de telles plaintes d'un charmant
voisinage. Voilà une mesure concrète pour appliquer le protocole de
Kyoto.
C'est un tout petit pas législatif, mais c'est un pas
fantastique pour notre environnement!
Puisse cet appel recevoir un écho...
Louis-Martin Brousseau
Yamachiche
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