Le Nouvelliste 19 février 2001

ÉDITORIAL

Canular, menace et diversion


Ginette Gagnon


Dans une région aussi paisible et bucolique que la nôtre, on compte sept faux appels à la bombe et au colis suspect depuis un an. Le dernier incident en date, à Yamachiche, jeudi dernier, a provoqué encore une fois tout un branle-bas de combat pour rien.

La police ne peut pas se permettre de prendre ce genre de menace à la légère. Dans le cas de Yamachiche, il y avait plus qu'un appel relevant du canular. L'auteur du geste avait prémédité son coup et fabriqué tout un dispositif au premier coup d'oeil inquiétant, qu'une équipe spécialisée d'artificiers de la Sûreté du Québec, venue de l'extérieur, a dû s'employer à neutraliser. L'engin était finalement inoffensif.

Au Centre des données fiscales de Shawinigan-Sud, une semaine plus tôt, encore là une enveloppe suspecte malodorante qui aurait pu contaminer des employés a tenu en alerte les services de santé et de police.

L'automne dernier, deux faux appels à la bombe à l'école secondaire Champagnat de La Tuque et à l'école Sainte-Ursule de Trois-Rivières. Des incidents, ici, qui relevaient de la mauvaise plaisanterie puisqu'on n'a rien trouvé après une fouille des lieux. À l'école de La Tuque, ce n'est d'ailleurs pas la première fois que quelqu'un tente le coup.

On doit ajouter à la liste des derniers mois une fausse bombe sous un autobus scolaire à Pierreville, le cas d'un résidant de Victoriaville qui a découvert un colis suspect dans sa boîte aux lettres et l'épisode des malfaiteurs de Grand-Mère qui ont créé, en mai dernier, un faux incident du même acabit destiné à détourner l'attention des policiers pendant qu'ils allaient commettre un vol à la caisse populaire locale.

Il faut de toute évidence diviser en trois catégories les incidents du genre: le canular de mauvais goût, oeuvre de plaisantins insignifiants ou de personnes dérangées, le geste relevant de la vengeance envers quelqu'un qu'on veut énerver et la tactique de diversion opérée par des bandits en vue de perpétrer plus tranquillement un mauvais coup pendant que l'attention de la police est monopolisée ailleurs. Tous les gestes du genre n'ont pas la même portée criminelle mais ils n'en constituent pas moins des méfaits publics.

Les arrestations et les condamnations dans le domaine ne sont franchement pas légion. Il est clair que dans la hiérarchie criminelle, le faux appel à la bombe, aussi perturbant soit-il pour ceux qui le subissent, n'a pas la même portée que le vol à main armée ou la tentative de meurtre. Néammoins, les faux appels à la bombe sont passibles de deux ans d'emprisonnement. Il s'agit bien d'un geste répréhensible que le Code criminel prévoit sanctionner.

Il n'est pas aisé de retracer les auteurs de ces méfaits parce qu'ils utilisent la plupart du temps des téléphones publics pour opérer leur coup. Sans doute que si l'on modifiait ces derniers de manière à ce qu'ils soient accessibles uniquement aux utilisateurs de cartes d'appels personnalisées, on ralentirait l'ardeur de certaines têtes brûlées agissant sous l'impulsion du moment. Mais les plus décidés passeraient quand même à l'acte en utilisant la poste royale. Comme quoi il n'y a pas de solution magique pour enrayer le problème définitivement.

Ce qu'on pourrait souhaiter, tout au moins, c'est que le jour où un tribunal sera saisi d'un cas patent, la justice n'hésite pas à sévir pour faire exemple. Notamment en exigeant réparation.

Combien a coûté l'incident de Yamachiche aux contribuables locaux et québécois? Il a fallu recourir aux pompiers volontaires et aux artificiers de la SQ sans compter les inconvénients subis par la victime et ses voisins. Il faudrait en tenir compte.

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