Le Nouvelliste 13 septembre 2000


La clef dans la porte

Le Foyer Ernest-Jacob fermera vendredi, après 129 ans d'existence

Brigitte Trahan 
Yamachiche

Vendredi après-midi, la porte du Foyer Ernest-Jacob se fermera, comme prévu, sur 129 ans d'existence. On aura alors terminé le déménagement à Louiseville des derniers résidants, ceux qui avaient préféré rester dans leur village jusqu'à la toute fin.

M. Raymond Houle était dans les boîtes, hier et prenait possession de sa toute nouvelle chambre au rez-de-chaussée de la Résidence Avellin-Dalcourt de Louiseville, après 10 ans passés au foyer d'Yamachiche.

Son bonheur, c'est sa grande fenêtre qui donne sur le stationnement des employés et du centre commercial. «Un peu d'action en perspective») dit-il. «Et il paraît qu'il y a plus d'activités organisées ici», laisse-t-il entendre.

Accueilli par un joli bouquet de fleurs, comme tous les autres nouveaux, M. Houle a passé l'après-midi à se familiariser avec son nouvel environnement. «Le personnel est le même, il nous a suivis et j'ai presque les mêmes voisins», dit-il, tout heureux. «C'est moins de dépaysement, car je n'ai jamais éprouvé le besoin de déménager. J'étais bien à Yamachiche. Mais c'est bien ici aussi», dit-il.

«On a essayé de regrouper le plus possible les gens du Foyer Ernest-Jacob dans un même secteur. C'était déjà un gros changement pour eux, on a voulu leur rendre ça plus facile», expliquait hier le directeur du développement organisationnel, M René Corriveau.

 


(Alpho Presse:Alain Bédard)
M. Raymond Houle est un des derniers résidants à avoir quitté le foyer d'Yamachiche, cette semaine.

La fermeture d'une institution comme le Foyer Ernest-Jacob n'est pas sans soulever quand même quelques inquiétudes chez certains citoyens. Le maire, M. Michel Isabelle, raconte avoir reçu un appel d'un homme âgé, hier, qui se de mandait bien où il allait aboutir, lorsqu'il aurait besoin d'être mieux entouré.

Bien qu'il n'y ait présentement pas de liste d'attente à la Résidence Avellin-Dalcourt, grâce à une augmentation des services de soins à domicile, les gens d'Yamachiche ont de la difficulté à penser à leur vieil âge sans y inclure la présence rassurante du Foyer Ernest-Jacob qui est là depuis tant de générations. «Aller à Louiseville, ce n'est pas la même chose», constate M. Isabelle.

Dans la salle du conseil municipal, le drapeau du Québec, expédié il y a deux ans au bureau du premier ministre Bouchard en guise d'ultime protestation contre la fermeture du foyer, n'a toujours pas repris la place qui lui revient et tout laisse croire qu'il ne la reprendra pas. «Ce qui n'était pas acceptable hier ne l'est pas plus aujourd'hui», fait valoir le maire.

«Je me demande ce que les gens d'Yamachiche auraient pu faire de plus pour essayer d'empêcher la fermeture», dit M. Isabelle en se remémorant la dure bataille livrée par les citoyens pendant plus d'un an pour conserver leur foyer.

Le porte-parole du défunt Comité de sauvegarde du Foyer Ernest-Jacob, M. Serge Carbonneau, ne peut s'empêcher de comparer cette bataille avec celle des gens de la région de Shawinigan pour leur hôpital. «Eux, ils ont réussi à faire bouger un peu les choses avec une pétition de 20 000 noms. Mais ça n'est tout de même que 20 % de la population de ce secteur. Nous avions réussi à déposer une pétition de 3000 noms, soit 99,9 % de notre population et nous n'avons même pas réussi à nous faire entendre. Évidemment, quand tu es 3000 sur une population de huit millions... t'as rien à dire. On décide avec ton argent que ça ferme et c'est tout», déplore-t-il.

Une fête sera organisée en l'honneur des nouveaux venus, à la Résidence Avellin-Dalcourt de Louiseville, vendredi. Pour Michel Isabelle, c'est comme fêter sur la tombe d'un vieil ami. «Ça me donne un haut-le-coeur. Qu'on parle d'un accueil chaleureux, c'est bien correct, mais qu'on annonce une fête, je trouve ça difficile», dit-il.

Malgré cette amertume, les résidants, eux, doivent maintenant se  faire à leur nouvel environnement et tout laisse croire que beaucoup d'efforts ont été mis pour leur faciliter la tâche. Le RSSS a effectué tous les déménagements ainsi que le transport des résidants. Une équipe spéciale a été formée afin de nettoyer les meubles et d'aider les personnes à aménager dans leur nouvelle chambre. Le RSSS assume aussi tous i les frais associés à ce déménagement, incluant le transfert des lignes téléphoniques.

Quant à l'avenir de la bâtisse, à Yamachiche, le député de Maskinongé, M. Rémy Désilets, serait sur le point de rencontrer le conseil municipal pour lui faire part d'un projet. Mais le maire Isabelle se montre sceptique: «Ça va être difficile de bâtir sur des cendres fumantes», prévient-il..

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