La saga des hiboux

 

... Suite de deux jeunes hiboux au téléphone...

Article de Michel Bourassa

 

Curieux de connaître l'identité des hiboux qui ont choisi les arbres aux abords de la rivière, au fond du champ à l'arrière de la demeure de mon ami, lequel m'avait fait entendre leurs cris et sifflements au téléphone cellulaire, je contacte deux amis observateurs, plus expérimentés que moi pour trouver dans la noirceur des oiseaux nocturnes et surtout, pour les identifier correctement. Donc, je me dirige le lendemain soir de l'appel, au domicile situé au Chemin Grande Rivière Nord, en compagnie du jeune et téméraire Sylvain et de l'expérimenté Jules.

 

 Arrivés sur les lieux, la brunante est déjà amorcée dans cette chaude soirée du 12 septembre 2002 et après avoir fait la présentation de mes collaborateurs à mon ami, nous nous mettons à la tâche en examinant le feuillage des arbres, amplement ombré par cet entre chien et loup; Jules utilise sa radio-cassette, Sylvain a en main un phare lumineux à batteries et dans mon cas, je me contente à imiter les cris du Grand-duc d'Amérique, tous trois cherchant les mystérieux oiseaux de la nuit. Tout en écoutant les explications du propriétaire du terrain, nous parvenons, dans les premières minutes, à entendre les premières réponses à nos appels incessants et ces gémissements sifflés sont effectivement ceux des hiboux mais lesquels car ils sont au moins trois et ils se relancent les uns les autres, leurs cris mêlés aux nôtres, ce qui est très spécial comme situation dans la pénombre.

 

Pendant nos recherches, nous nous déplaçons à la limite de la cour arrière, en face du champ de maïs ( très mal en point dû à la sécheresse ) et mon ami me signale que près de la remise où nous sommes postés, il y a une marmotte commune d'enterrée et qu'à l'occasion, une moufette rayée vient creuser pour tenter de la sortir du sol: nous sommes sur nos gardes.

 

Plus nous harcelons les prédateurs, plus ils répliquent, tout en se déplaçant de temps à autre dans les hauteurs, laissant paraître leur ombre imprécise ou, rarement, leurs yeux brillants dans la noirceur complétée. Après plusieurs minutes à imaginer l'espèce de hiboux qui se trouve devant nous, supposant que ça peut être la Petite Nyctale, la Chouette rayée, le Grand-duc d'Amérique et même ( un rêve ) le Hibou moyen-duc, nous retournons à la remise et, comme je m'y présente le premier, j'arrête brusquement tout en avertissant les autres à m'imiter car la fameuse mouffette anticipée arrive pour une autre opération d'excavation, sentant un possible repas. À cet instant, Sylvain l'intrépide décide d'en avoir le coeur net et part avec sa lumière au travers du champ de maïs  afin de voir de plus près les hiboux aux arbres, près de la rivière.

 

Jules et moi-même suivons ses traces pour le voir tomber en perdant pied dans un sillon; nous réussissons, tant bien que mal, à en voir un, à l'occasion, mais ces oiseaux nocturnes sont beaucoup plus habiles que nous dans le noir car il nous est impossible encore de poser une identification sur eux. Pendant notre parcours à la rive du cours d'eau, nous nous enfargeons dans des chicots et des dénivellations, nous ramassons plusieurs piquants de lardons avec nos vêtements et Sylvain fait même fuir un cerf de Virginie, couché dans les broussailles.

 

En revenant au terrain, en traversant le champ, nous nous méfions de la mouffette, laquelle, heureusement, est partie.

 

Remis de nos petites émotions, nous continuons inlassablement nos appels et soudain, un des oiseaux ciblés part des arbres et contourne le côté opposé de la maison pour traverser la rue et se retrouver dans le champ, à la grande noirceur. Jules l'expérimenté et moi, partons à la course pour voir le grand Sylvain entrer dans son auto, la retourner pour diriger la lumière des phares dans ledit champ et l'immobiliser. Nous commençons nos investigations et nous retraçons immédiatement le coupable de notre effervescence et c'est ce que nous pensions, soit un Grand-duc d'Amérique, posé sur un poteau de clôture, nous regardant dans un face à face mémorable. Mais il y a un autre coupable et nous l'apprenons rapidement car le propriétaire, entré quelques secondes dans la maison, en ressort aussitôt pour crier à Sylvain d'enlever son véhicule de la route, stationné en plein centre, en travers et invisible dans la pénombre et près d'une courbe, en plus.

 

Jules et moi-même, trop concentrés sur le chasseur de nuit, n'avions pas remarqué sa position dangereuse dans le chemin, quitte pour une peur de courte durée mais intense, vu la situation. Après avoir reculé au stationnement de la cour, nous avons réussi à reprendre notre calme et surtout, à dénombrer quatre Grands-ducs d'Amérique, probablement les parents avec deux jeunes.

 

C'est ainsi que la soirée mouvementée s'est terminée, soit une première expérience de ce genre dans mon cas, laquelle a été très appréciée, malgré quelques petits incidents sans gravité et ce, en excellente compagnie.