LES PILLEURS

Article de Michel Bourassa

 

Un certain matin d'hiver, peu de temps après mon lever, je remarque une activité fébrile par ma fenêtre à l'orée du sous-bois et je me colle à cette dernière avec mes jumelles pour assister à un spectacle inhabituel, du moins pour moi.  Trois Geais bleus transportent des arachides en écale dans le boisé au pied d'un arbre, sous un buisson et même, près d'une souche, sous les regards envieux de deux écureuils gris d'espèce mais noirs de couleur, installés dans les arbres au-dessus d'eux et c'est à ce moment que le mouvement incessant de pillage débute et lequel va durer au moins vingt minutes.

En effet, dès que les Geais bleus terminent leur travail de mise en neige de leur provision d'arachides en prévision de jours plus difficiles, les deux écureuils noirâtres descendent de leur perchoir respectif et grattent la neige pour en retirer chaque objet de leur convoitise et aller, à leur tour, les cacher à un autre endroit du terrain, près de la rive du cours d'eau gelé ou tout simplement, à la base d'un autre tronc d'arbre; pire encore, les écureuils, entre eux, se volent tour à tour, après le départ de l'un deux.  Vraiment captivant comme scène, d'autant plus que deux des trois Geais bleus s'aperçoivent de ces larcins et reprennent leur bien après le retrait définitif des deux compères noirs, pour trouver des cachettes plus sûres et surtout plus éloignées des premières; lequel est lequel?, soit le plus astucieux pour ne pas dire le plus voleur, le Geai bleu ou l'écureuil gris ?  Les paris sont ouverts.

En plus d'être des pilleurs, ils sont aussi des gaspilleurs car les uns et les autres oublient plusieurs endroits de mise en neige, si intelligents sont-ils, d'où l'importance de les rationner, de temps en temps, pour qu'ils épuisent quelque peu leur réserve de nourriture tout en ménageant le porte-monnaie.

 

LE LOSANGE PARFAIT

Les yeux encore mis-clos, dès la sortie du lit, en passant à la fenêtre, je m'y laisse attirer par les gros flocons de neige qui tombent normalement vers le sol et en m'approchant de celle-ci, une figure géométrique vivante et combien agréable s'offre à mes yeux et m'oblige à saisir les jumelles, tout près.

Le tableau, sous cette neige tranquille, devient encore plus beau avec les vitres grossissantes car un losange quasi parfait s'est formé sur les rameaux déjà enneigés d'un frêne avec deux écureuils gris de couleur noire, à gauche et à droite, à la ligne horizontale, complété par deux Geais bleus, en haut et en bas, à la ligne verticale.

Les écureuils dégustent des arachides, leur queue relevée, et les geais sont immobiles et sages comme des images:  vraiment impressionnant et unique comme tableau.