D'UNE PIERRE QUATRE COUPS!

Article de Michel Bourassa

Bien oui, et c'est exactement ce qui se produit en ce 27 mai 1995, ne sachant pas encore le voyage d'observation exceptionnel qui m'attend aux îlots rocheux, au centre du lac St-Pierre et tout près de la voie maritime.

Le départ s'effectue dans une légère vague formée par des vents frisquets de l'est, sous un ciel grisâtre et avant le début de mon examen du premier emplacement, comme à l'habitude, les centaines de Cormorans à aigrettes qui l'habitent le quittent pour se poser sur l'eau, ce qui facilite le repérage des espèces d'oiseaux.  Plusieurs Goélands à bec cerclé ainsi que deux Goélands argentés s'y trouvent en plus de quelques Sternes pierregarins, toujours énervées et énervantes; j'ai presque terminé la circonférence de ce poste de nidification et je n'y trouve encore rien de spécial.

En tournant pour finir la boucle, sur les roches à la limite de l'eau, trois sortes de bécasseaux se reposent, la plupart ayant la tête cachée dans les plumes, dû au vent, mais facilement identifiables, à première vue:  une dizaine de Bécasseaux semipalmés, environ vingt-cinq Bécasseaux des Aléoutiennes et une quinzaine de bécasseaux frileux dont je suis incapable de placer un nom sur eux, au corps massif, à la poitrine et aux flancs fléchés de fortes pointes noires en plus d'avoir un bec noir allongé (après vérification faite dans mon "guide d'oiseaux", ça s'avère être des Bécasseaux de l'Anadyr:  quelle chance fantastique !).

Je suis déjà très satisfait et je me dirige vers le deuxième îlot, au plus tôt, car la vague augmente légèrement; à mon arrivée, même manège par le contournement de celui-ci, qui a été abandonné, et je suis résigné à observer quelques Goélands marin à la flotte comme seule activité aviaire avant d'apercevoir un Arlequin plongeur immature, mâle, plonger et remonter à plusieurs reprises dans les tourbillons et les courants autour de cette petite île, sans se soucier de moi.  C'en est presque trop, deux espèces d'une grande qualité dans un laps de temps très court, ce n'est pas commun.  Mais je ne suis pas encore au bout de mes surprises car un autre cadeau m'attend lors du retour vers le rivage, à mi-chemin du lac.

En effet, à cet endroit sur un billot à la dérive, deux Sternes s'y trouvent posées l'une près de l'autre, et de prime abord, les ayant prises pour des Sternes pierregarins, le doute s'installe, car je suis encore à cinquante mètres de la bille de bois.  Tout en approchant lentement, à la vitesse minimale du moteur, je laisse la conduite et enligne les sternes avec mes jumelles pour conclure que ce sont deux Sternes arctiques avec leur bec rouge sang; c'est de la visite plus ou moins rares dans la région de la "pointe Yamachiche" et je suis tellement près d'elles que la chaloupe heurte le tronc d'arbre à la flotte pour voir les deux comparses s'envoler.

Comme expérience d'observation, il n'y a pas tellement mieux:  un voyage et quatre espèces inhabituelles, surtout le Bécasseau de l'Anadyr, c'est formidable!  Il est à noter que le Bécasseau des Aléoutiennes est aussi un oiseau inusité même si je n'ai pas élaboré sur celui-ci car je l'avais déjà observé à deux reprises lors des années précédentes.  Cette journée s'est complétée avec une autre trouvaille intéressante dans la soirée, à la "pointe Yamachiche", soit un magnifique Fuligule à dos blanc.