Percé, le rocher enchanteur

 

Il y a parfois des moments magiques et lorsqu'ils sont inattendus, en plus, c'est encore plus grandiose; un de ceux-ci a eu lieu à la fin de juin 2005, lors de mon voyage ornithologique en Gaspésie et le voici, espérant qu'il vous incitera à vivre une expérience dans un avenir rapproché.

 

Après avoir fait un arrêt au marais de Cacouna dans l'espoir d'observer le Râle jaune et le Bruant de Nelson, lesquels n'étaient malheureusement pas coopératifs lors de nos séances de recherches ( mon compagnon conducteur et moi ), nous nous retrouvons à Percé, à la fin de l'après-midi de la deuxième journée et immédiatement après la réservation du motel, afin d'y passer la nuit, je me précipite vers le quai, parallèle au fameux rocher Percé.

 

Ayant comme but premier de recenser des oiseaux marins, j'identifie rapidement des Guillemots à miroirs, des Petits Pingouins, des Fous de Bassan, des Cormorans à aigrettes, quelques Guillemots marmettes, des Eiders à duvet et des Mouettes tridactyles, entre autres. Le soleil frappe sur l'île Bonaventure et sur le rocher Percé, offrant un spectacle que j'apprécie à peine.

 

Le matin du troisième jour, nous prenons un bateau adapté pour l'observation des baleines, dû à notre départ trop hâtif; nous réussissons quand même à voir des Grands Cormorans, des milliers de Fous de Bassan et des centaines de Guillemots à miroirs, malgré l'excursion trop rapide de ce moyen de transport autour du rocher et de l'île.

 

Après avoir fréquenté les alentours et avoir repéré les mêmes espèces dans l'après-midi, nous revenons coucher à notre motel pour une seconde nuitée; contrairement à mon ami de voyage (demeurant à l'intérieur), je décide de me rendre sur la promenade menant au quai, en croyant fortement apercevoir le Guillemot de Brünnick, entrevu en matinée pendant la randonnée éclair dans le bateau mouche. Mon espoir se concrétise car, dès mon arrivée au bout du débarcadère, je retrace l'individu aviaire, presque au même endroit où il avait amerri plus tôt; mes projections étaient bonnes et j'en suis ravi.

 

Pendant ce temps, le soleil a eu le temps de se présenter à l'Ouest du St-Laurent et il est déjà rendu au-dessus de l'île Bonaventure, envoyant ses rayons lumineux sur la falaise du nord et du même jet scintillant, sur la totalité de la façade du rocher Percé: le spectacle de la veille recommence, mais cette fois je le remarque et je me délecte à chaque seconde car c'est unique.

 

Les effets du disque orangé sont encore chaleureux sur le corps humain et lorsque notre planète l'oblige à se retirer lentement pour la nuit, le rocher Percé, avec sa colossale masse attaquée par les éléments naturels, se montre sous son vrai jour, à la tombée de celui-ci.

 

Dans un jaune aveuglant, il accepte toute la lumière sur son escarpement, sans pudeur, sachant que ses défauts les plus évidents vont plus ou moins être dévoilés. Dans sa descente, le soleil assombrit en arc vertical une parcelle du rocher, au sud, pour voir surgir, au nord, du rose, lequel se transforme en la couleur saumon, tout en ne remarquant plus la luminosité sur le roc. C'est à ce moment que la vulnérabilité de ce géant légendaire apparaît en laissant voir des aspérités et des fissures, résultat de l'effritement par le gel de plusieurs parties, plus ou moins étendues sur son corps solide; il doit accepter ce destin.

 

D'autant plus que lorsque l'astre diurne semble faire un dernier clin d'oeil par sa présence, celui-ci révèle complètement les derniers secrets du rocher Percé, lequel, dans un amalgame de brun et de noir, étale l'état réel de ses profondes lacérations, signe d'une mort certaine, à longue échéance, dû aux éventuels assauts répétés du vent, du gel, des vagues et de l'activité aviaire. L'arrivée rapide de la noirceur vient sauver l'excellente réputation de cette attraction touristique.

 

En somme, malgré que l'air salin se fait sentir tant par l'odorat que par les frissons sur le corps, j'assiste avec joie à ce privilège que la nature m'accorde et le sommeil n'en sera que plus réparateur pour la continuité du voyage dans les prochains jours.

 

À voir absolument à une de vos prochaines sorties en Gaspésie, cette silhouette, dans la pénombre, ressemblant à un vaisseau mis au rancart, amarré pour le reste de son existence.