LE CHANTEUR DU JOUR DE L'AN

Article de Michel Bourassa

 

Le premier jour de 2003, je quitte la maison pour un recensement d'oiseaux en empruntant la route glacée à la rivière de mon arrière-cour.  Je passe les détours et sous les deux ponts de l'autoroute, sans histoire, soit sans encore croiser de membres de la gent ailée; ça ne devait pas trop tarder.  En effet, un Grand-duc d'Amérique s'envole à environ cinquante mètres devant moi, quittant le sommet d'un érable adulte pour se réfugier au fond du boisé, du côté droit de la rivière, endroit où il sera tranquille.  Je continue mon parcours jusqu'à l'embouchure de celle-ci à la recherche de Bruants des neiges, lesquels sont habituellement au rendez-vous et à mon arrivée, après quelques coups de jumelles dans toutes les directions, j'en entends quelques-uns en vol et je les vois me passer au-dessus de la tête, au nombre de six mais, les plus de deux cents, présents depuis au moins cinq jours, ne sont pas là; ce n'est que partie remise.

Maintenant, le gros du travail commence, si je peux dire, car si ce fut plus ou moins facile pour les Bruants des neiges, il en sera autrement pour les Bruants chanteurs qui sont encore aux alentours près du canal servant de prolongement à la rivière et dans lequel il y a deux endroits qui sont en eaux libres, grâce au courant occasionné par de petites chutes; je me place donc à ce point stratégique et je scrute les rives où se trouvent les herbes et les joncs desséchés, recouverts de givre.  Après quelques minutes d'attente, tout en imitant quelques cris d'oiseaux pour les faire apparaître comme un magicien (car je sais qu'ils habitent les lieux), je réussis enfin mais ce ne sont pas les bons bruants pour l'instant, même s'ils ont leur charme car ce sont des Bruants hudsoniens qui se manifestent en voletant au-dessus et parmi les caducs scirpes jaunis; mais vont-ils enfin surgir ?

La réponse est oui, puisqu'en suivant un de ces Bruants hudsoniens, un Bruant chanteur accapare mes loupes, lesquelles s'immobilisent instantanément sur lui, tout excité, avec la queue relevée et les pattes nerveuses sur la tige oscillante de son perchoir.  Pour un Bruant chanteur, il ne fait pas honneur à sa réputation, ternie peut-être par la froidure de la matinée, ne laissant échapper de temps à autre, que quelques pépiements timides, (il ne sera sûrement pas invité à chanter pendant la veillée du jour de l'An).  Encore chanceux de l'avoir aperçu, car les deux autres qui l'accompagnent habituellement n'ont jamais voulu se montrer le bout du bec et je les comprends, la température ne s'y prêtant nullement, à leur place, je m'en irais sous des cieux plus cléments mais, ils sont ici, à Yamachiche, ce premier (1er) janvier 2003 et c'est ce qui compte.