Historique de la Perchaude

du lac St-Pierre

( Première partie )

( Début de la mise en marché )

 

En 2008, s'il y a une espèce de poisson qui est très recherchée, c'est bien celle de la Perchaude, laquelle est énormément appréciée pour sa chair délicate et au goût de menthe; mais il n'en fut pas toujours été ainsi, contrairement à ce que plusieurs peuvent croire.

 

En effet, avant 1960, la Perchaude était considérée comme indésirable et surtout nuisible par tous les pêcheurs, autant au bout d'une ligne de pêche sportive que dans un filet de pêche commerciale. Tellement rejetée que dès qu'une d'entre elles était sortie de l'eau, elle demeurait au sol ou si elle était apportée par le sportif à la maison, c'était pour le chat; quant au pêcheur commercial, souvent il commençait la pêche vers le 20 avril même s'il pouvait installer les nasses dès le 1er  avril, ce dans le seul but d'éviter sa capture car les verveux se remplissaient de cette espèce. Pour les sportifs ou les commerciaux, la Barbotte brune était le poisson recherché au lac St-Pierre, surtout le printemps car la Perchaude n'avait aucune valeur gastronomique et par ricochet commerciale, car elle est remplie de fines arêtes à la partie ventrale.

 

Il faut attendre au printemps 1959 pour que la Perchaude obtienne un début de lettres de noblesse, ce grâce à Romuald Levasseur et son frère ( de Ste-Angèle-de-Laval ), lesquels ont tenté de commercialiser ce poisson en le filetant et l'étalant au marché public de Trois-Rivières. Comme cette initiative semblait vouée à l'échec avant le souper et le départ des Levasseur, le pêcheur commercial Antonio Lamirande ( de Yamachiche ), voisin de table des Levasseur, a accepté de continuer l'expérience de vente et connaissant la qualité de chair de la Perchaude et trouvant l'idée très intéressante de la retrouver en filet, il proposa à une cliente demeurant à proximité d'aller cuisiner ce produit original et de venir lui rendre son verdict avant son propre départ: ce qui fut fait rapidement et ce fut un succès instantané car il vendit la petite quantité disponible de filet de Perchaude tout en voyant la nouvelle se répandre parmi les autres clients potentiels. À son tour, Antonio Lamirande a préparé sa Perchaude en filet et ce fut le début d'un nouveau produit alimentaire qui allait devenir très populaire; personnellement, Antonio Lamirande ( qui n'est plus de ce monde ) fut certainement l'initiateur de la mise en marché du filet de Perchaude. Lentement, ce poisson à chair blanche, alors sans danger par l'absence des arêtes, a obtenu la faveur d'acheteurs de plus en plus nombreux car, à la première dégustation, le nouveau client, déjà accroc, devenait une prise supplémentaire pour le pêcheur commercial.

 

La technique de la mise en filet a été développée par Jean-Jacques Turner ( de Yamachiche ) et adoptée par les autres pêcheurs commerciaux locaux, consistant à éliminer complètement les arêtes dans chacun des filets par le suivi de la ligne médiane de flottaison de la Perchaude et de la nageoire dorsale par le couteau, pour dépasser l'anus et terminer à pleine largeur jusqu'à la queue.

 

En 1960, une livre de filet de Perchaude se vendait 20¢ sur la rive Nord et presque tous les pêcheurs commerciaux avaient appris la nouvelle de Yamachiche et filetaient ce poisson, à leur tour. En 1963, les pêcheurs de Ste-Angèle-de-Laval et probablement aussi tous les autres de la rive Sud, par l'entremise de leurs enfants, vendaient le filet de Perchaude en faisant du porte-à-porte dans leur municipalité respective. De 1960 à 1970, tous les pêcheurs commerciaux ont travaillé d'arrache-pied afin de promouvoir les ventes et leurs efforts ont porté fruit car les premiers grossistes se sont manifestés vers 1970 pour acheter la grosse Perchaude toute entière, soit directement des filets de pêche au camion de transport: c'était la manne sortie de l'eau.

 

Dans ces mêmes années, deux événements très importants se sont produits. Le premier fut la construction du Port de Bécancour et son quai, occasionnant la destruction complète d'une énorme frayère à perchaudes, lesquelles perchaudes ont dû se réfugier vers l'ouest, au Quai de Ste-Angèle-de-Laval, mais ne pouvant aller plus loin, bloquées par ledit quai. La Perchaude, encore considérée nuisible par plusieurs pêcheurs sportifs et complètement ignorée par le MTCP ( Ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche ) comme ressource importante potentielle, a alors subi une pêche sauvage au carrelet ( filet déposé au fond de l'eau et remonté à la surface par des câbles attachés à chaque coin, cette remontée étant faite par un treuil de camion ); des dizaines de milliers de Perchaudes ont ainsi été retirées de l'eau et envoyées, soit au dépotoir, dans les champs des cultivateurs ou chez quelques pêcheurs commerciaux qui les achetaient et ce, dans un seul but: se débarrasser de cette espèce qui selon ces sportifs, les empêchaient de capturer le Doré jaune ou la Barbotte brune.