LE PETIT FUTÉ

Article de Michel Bourassa

En 1994, lors d'une soirée de fin d'été au début de septembre, à la "Pointe Yamachiche", une jolie surprise m'attend, debout en avant des Goélands à bec cerclé et des Goélands marins tout en faisant face au lac St-Pierre, soit un Héron garde-bœufs dans sa blancheur et au dos chamois si caractéristique à l'âge adulte.  Je l'observe très attentivement dû à la très rare présence de cette espèce ici même et je suis très heureux même s'il ne sera probablement déjà plus dans les alentours demain et je l'ajoute à ma liste annuelle d'observation dès l'arrivée chez-moi.

Le lendemain, en matinée, j'ose y retourner dans un espoir mitigé de le revoir mais, comme prévu, il n'est pas au rendez-vous et j'en fais déjà mon deuil.  En soirée, lors de ma seconde séquence d'observation de la journée, deux heures plus tard, je suis sur le point de quitter mais au loin, du fond de la baie, sortant des herbes hautes et des joncs, j'identifie facilement le Héron garde-bœufs qui s'avance allègrement vers les quelques centaines de goélands pour le voir atterrir comme la veille, au milieu d'eux, encore en avant, face à l'eau; le soleil vient à peine de se coucher.

Jamais deux sans trois peut-être et le lendemain, je me pointe un peu plus tard et mon attente n'est pas très longue car dans les trente premières minutes, il réapparaît, toujours en provenance du même endroit au bout de l'anse.  Osera-t-il revenir demain?  J'ai déjà hâte à cette soirée car je comprends que, dans la journée, il demeure dans la tranquillité sur le rivage de l'extrémité de la baie pour se nourrir et qu'il vient se coucher avec les goélands, à la brunante.

Ce spectacle dure quatre jours et dès le troisième, j'analyse un des éléments de son comportement et c'est de la pure stratégie, car, s'il se rend toujours au centre et à l'avant-scène des goélands lors de son atterrissage, c'est sûrement pour se camoufler et éviter les attaques possibles de prédateurs (souvent présents en cette période de l'année) pour ainsi mieux se reposer en passant la nuit moins inquiet.  Je remarque aussi que lors du passage des jours, son rythme d'arrivée est identique même si, d'une lune à l'autre, une minute se perd en clarté; donc, il est réglé sur la longueur du jour car il en tient compte en arrivant une minute plut tôt, à chaque fois (après vérification de ma montre).  Ce suivi de néophyte a été très passionnant.