Des cibles innocentes

 

Article de Michel Bourassa

 

À la Pointe Yamachiche et ailleurs, autour du Lac Saint-Pierre, il y a, à chaque année, de tristes histoires vraies d'oiseaux morts, lesquels ont été tués par des chasseurs sans scrupule, pendant et même avant la période de chasse. 2004 ne fait pas exception à cette coutume stupide établie par quelques têtes brûlées, lesquels nuisent considérablement à leur activité sportive, si c'en est encore une avec de tels gestes.

 

Bien avant la saison de chasse, quatre Goélands à bec cerclé et une Mouette de Bonaparte servent de cible et paient de leur vie, ce qui devait être le début de six autres agressions connues dès l'ouverture de la chasse et des jours suivants.

 

Le premier à tomber au combat est un Grand Héron, étendu sur le sol, à la rive de la Grande rivière Yamachiche. Après un certain temps sans méfait, le 27 octobre après-midi me réserve une mauvaise surprise lorsque je repère un Pluvier argenté isolé des quatorze autres, regroupés beaucoup plus loin, à l'extrémité de la Pointe Yamachiche; ce pluvier, debout depuis plusieurs minutes, ne bouge absolument pas avec les yeux fermés, ressemblant à un bibelot de porcelaine. Je l'approche très lentement pour me rendre compte de sa non réaction, ce qui est complètement anormal pour un oiseau; rendu à ses côtés, je le capte par le dos pour aussitôt, l'entendre gémir de douleur, ce qui m'oblige à le déposer par terre et ce, dans sa position initiale, soit debout et sans encore bouger. Toujours au même endroit après trente minutes, je retourne le voir de plus proche pour remarquer du sang au bec, à la mandibule près du front, source de ses souffrances, résultat certain d'un coup de fusil car, le midi, deux jeunes chasseurs s'amenaient ici lorsque j'ai quitté. Le lendemain soir, en vélo, je rencontre une observatrice qui a terminé ses observations à la ''pointe'' et avant même que je lui raconte cet incident malheureux, elle est dépitée et en colère pour immédiatement me décrire ce qu'elle vient de voir, soit un Pluvier argenté blessé ( pas le même ), lequel a été tiré dans l'arrière-train, d'où des gouttes de sang coulent; sa rage lui fait même dire que celui qui s'est défoulé de cette façon mériterait qu'on lui fasse la même chose... Deux oiseaux blessés en deux jours ( peut-être le même jour ), c'est un peu trop.

Le 10 novembre, à la Petite-rivière Yamachiche, ce sont trois Bécasseaux variables, cette fois, qui portent des séquelles mortelles à l'approche de la saison froide, car ils ont tous une aile fracturée, les empêchant de voler et devenant des proies faciles pour les prédateurs. Trois jours plus tard, avec les nuits sous zéro, un seul est revu et c'est pour la dernière fois.

Même si je ne suis nullement contre la chasse sportive, ces actes me dégoûtent au plus haut point et il est temps que ça cesse car ce n'est pas de la faute des oiseaux de rivage si les canards sont absents: ce n'est pas une compétition de tir au pigeon d'argile. Il y a frustration et frustration; certains chasseurs ne devraient tout simplement pas avoir d'arme à feu car ils sont carrément des tueurs, et j'en suis convaincu après avoir vu de tels actes de cruauté complètement gratuits.