La chasse au Rat musqué

 

Cette activité de chasse au « rat d'eau » ( animal communément appelé ainsi par les trappeurs ) a toujours été des plus importantes à chaque printemps, dès la fonte des neiges et des glaces car ça représentait souvent la différence entre avoir quelque chose sur la table ou non. Du début du vingtième siècle jusqu'en 1990 surtout, ce travail très exigeant et dangereux demandait plusieurs qualités de la part de ceux qui l'effectuait et il fallait connaître les habitudes de ce gros rat poilu car il en allait souvent de séquelles physiques ( surtout aux mains par des morsures ) si la méfiance n'était pas au rendez-vous.

 

À Yamachiche, le lac Saint-Pierre, la Grande-Rivière, la Petite-Rivière et tous les fossés environnants servaient de territoires pour tendre les pièges et habituellement, chaque piégeur avait le sien et le conservait d'année en année.

 

Chaque piège était placé un peu au-dessus du niveau de l'eau, à la côte, et dans la menée ( endroit de passage ) du Rat musqué, lequel, dès sa capture, tombait à l'eau et se noyait en se débattant car il entraînait le piège avec lui; ce dit piège était toujours attaché à une chaîne, retenue par une gaule ou une branche.

 

Souvent, il fallait assommer le rat lors de la cueillette quand il donnait le moindre signe de vie car c'était dans ces moments que les blessures survenaient si la moindre imprudence était commise; le trappeur apprenait très vite lorsqu'il se faisait sauter dessus ! Après la récolte des individus et la remise en fonction de tous les pièges, une autre tâche attendait le chasseur et non la moindre, soit enlever la peau sur ces mammifères aquatiques.

 

Ce travail était délicat car, tout en ne laissant pas de graisse ou de chair sur la peau, il ne fallait surtout pas la trouer car les acheteurs étaient très sévères sur la qualité et profitaient souvent de la situation. En effet, à tort ou à raison, l'acheteur déclassait certaines peaux afin de les payer moins chères, en abusant régulièrement des mêmes trappeurs ( les moins débrouillards ) car les autres ne tombaient plus dans le piège et vendaient leurs peaux à un autre, mois exigeant et plus honnête, par le fait même. Avant la vente, chacune des peaux devait être étendue sur un moule adapté à la grosseur de l'animal et ce, par le séchage.

 

Il est à noter que la chair du Rat musqué était très appréciée par quelques citoyens de notre municipalité et il leur fallait leur Rat musqué à chaque année. Il appert que chaque spécimen reposait « les quatre fers en l'air » au centre de la casserole avec la gueule ouverte et les dents sortis: imaginez-vous la scène ! C'était un régal pour eux, voulez-vous essayer ? Je connais des trappeurs qui se feraient un plaisir de vous en procurer.

 

À chaque printemps, des dizaines de chasseurs de Rat musqué réussissaient à capturer suffisamment d'individus afin d'avoir un revenu raisonnable servant à nourrir leur famille respective. Notamment au Petit-Village de Yamachiche, aujourd'hui le rang chemin de la Rivière-du-Loup, plusieurs citoyens de ce coin pittoresque de Yamachiche ont trimé dur dans ce métier ingrat et certains d'entre eux, encore aujourd'hui, poursuivent cette tradition ancestrale ( plus de 100 ans ), ce, par amour de l'activité tout en ayant ça dans le sang, car il est presque impossible de cesser lorsque c'est transmis de père en fils; ce sont probablement les derniers à oeuvrer dans ce domaine car la relève ne sera plus au rendez-vous.

 

Récente information:

 

Même en 2007, le stratagème de l'acheteur peu scrupuleux existe encore car, dernièrement, un trappeur s'est fait offrir 5.00$ et même 6.00$, un peu plus tard, pour avoir sa peau... de Rat musqué par l'un de ces individus. Le chasseur a accepté l'offre et arrivé au jour de la vente, le prix a baissé à 3.50$ la pièce de fourrure; l'acheteur, voyant qu'il prenait à la gorge sa « victime » devant son besoin d'argent, a réussi à avoir sa peau et pour pas cher, assuré de faire un large profit lors de la vente annuelle à l'encan. Vraiment, c'est triste, d'autant plus que ce type de trappeur de Rat musqué va probablement abandonner, se sachant exploité pour ce travail difficile.