CÉRÉMONIE DES CENDRES

Article de Michel Bourassa

 

Un certain samedi de l'été 2004, à la Pointe Yamachiche, tout semble vouloir se dérouler comme à chaque jour, soit de voir plusieurs ornithologues amateurs fouler le sol de cet endroit afin d'observer les oiseaux de rivage et si possible, les attractions du moment (s'il y en a).

Lorsque je me montre le bout du nez, en face du lac St-Pierre, une quinzaine de membres d'un club d'ornithologie de la région de Montréal ainsi que quelques-uns du club de Trois-Rivières, sont déjà sur place et débutent à peine à répertorier la faune aviaire car, il y en a encore deux ou trois qui n'ont pas terminé l'installation de leur lunette.  Il y a aussi une camionnette, occupée par six personnes, lesquelles sortent lentement de celle-ci pour s'avancer vers l'eau où se situent les oiseaux, à la rive; comme je marche à côté de mon vélo, je n'entends pas les paroles de la responsable du groupe de Montréal, laquelle s'adresse à ces gens qui vont sûrement faire fuir toutes les espèces s'ils poursuivent.  Je constate qu'un jeune homme discute avec la dame en question pour les voir se retirer tout près, sur le côté de la "Petite anse", à quelques pas de l'onde et se regrouper en silence.

L'organisatrice de la sortie, me connaissant, m'accueille tout en étant embarrassée car elle vient d'être confrontée à une situation très particulière, soit d'interpeller une famille en deuil qui répond aux dernières volontés de leur grand-mère ou mère selon le cas pour chacun(e).

Après avoir expliqué le pourquoi du geste qui les aurait dirigés face au lac et aux oiseaux, le jeune interlocuteur (très poli en passant) a eu la gentillesse, malgré les épreuves du décès, de se réunir un peu à l'écart et procéder à leur courte et simple cérémonie, soit la dispersion des cendres sur le sable de la Pointe Yamachiche et sur les eaux à proximité, comme demandé par la défunte; le tout se passe dans un recueillement exemplaire, aidé d'une musique douce appropriée sur radio-cassette.

Les observateurs, encore sous le choc de leur malencontreuse intervention, dû à l'ignorance des circonstances, ont énormément apprécié la délicatesse de ces personnes, ce qui n'est pas toujours le cas (vous connaissez les paraplanchistes et certains conducteurs de VTT ? Je n'élabore pas plus…).  Comme quoi, l'endroit se prête à toute activité possible, en autant qu'elle respecte l'environnement, soit les utilisateurs présents, les oiseaux et la flore.

Tout le monde a quitté avec le devoir accompli, la famille, ayant répondu aux attentes de la disparue, et les ornithologues amateurs, ayant pu admirer le Goéland brun, un des buts de leur visite, et quelques espèces de bécasseaux et de pluviers, en plus de deux ou trois rapaces.  Une autre des "Belles Histoires de la Pointe Yamachiche" comme le dit si bien Micheline Bisson, du club de Trois-Rivières.