DES ARBRES EN PLEURS

Article de Michel Bourassa

 

Sur le chemin menant à la Pointe Yamachiche en ce 3 novembre 2004, mois des "morts", un Pygargue à tête blanche (immature), sur une haute branche d'un érable, se prélasse, même si le vent relève les plumes de sa tête, pour le voir quitter dès qu'il m'aperçoit, situé directement en dessous de lui.  Mes observations débutent sur une bonne note et je poursuis pour m'arrêter dans les secondes suivantes, car un oiseau, à la dimension d'un Merle d'Amérique, s'élève du sol afin de se percher sur un aulne; mes loupes reconnaissent immédiatement la Pie-grièche grise qui s'y trouve.  La chance est de mon côté en cette matinée et elle ne me lâchera pas parce que, dans le dernier droit avant la "pointe", une perdrix s'élance, sans avertissement et sans bruit, au-dessus des arbrisseaux pour disparaître au boisé de l'autre versant de la rivière qu'elle vient de traverser; cette perdrix n'est pas une Gélinotte huppée, trop courte, trop noirâtre, sans oublier le départ sans vrombissement des ailes car c'est un Tétras du Canada, un visiteur très apprécié dû à son extrême rareté sur ce territoire.

Enfin rendu sur la plage, au lac St-Pierre, les élans inlassables du vent nord-ouest figent la quarantaine de Pluviers argentés, le seul Pluvier bronzé et la quinzaine de Bécasseaux variables, tous, ayant la tête dans les plumes du dos, tout en ayant un hirsute duvet à leur poitrine.  La fin des "émissions" est annoncée lorsqu'un Faucon émérillon vient faire "le ménage" sur les rives en chassant ces quelques oiseaux de rivage et en énervant jusqu'aux goélands, lesquels vont se poser sur l'eau.  Un Plongeon huard, plus au large, n'a sûrement pas remarqué cette attaque manquée du rapace, car ce dernier revient bredouille.

Après cette frénésie passagère, je commence à sentir le froid dû à l'action éolienne et je décide de me rendre dans le boisé où je repère rapidement deux Grimpereaux bruns et un Pic chevelu.  Pendant mes investigations en ces lieux, mes oreilles captent d'étranges sons, semblables à des pleurs, provenant des arbres qui m'entourent; ce sont eux qui gémissent sous les assauts répétés du vent, agissant en bourreau par le plaisir qu'il prend à les frapper sur leur long corps qu'est le tronc et à tordre leurs membres souples que sont les branches, lesquelles, tentent bien que mal, à amoindrir les chocs en se touchant les unes les autres comme des doigts de main.  N'ayant plus leur manteau de feuilles pour les protéger, ces arbres sont condamnés à geler avec l'arrivée prochaine de l'hiver, pour heureusement, renaître avec le soleil du printemps.  En ce moment, il est déjà loin le temps des Piouis de l'est, des Moucherolles tchébecs, des Tyrans huppés et des Grives fauves qui se promenaient sur leurs bras de bois, mais ces derniers accueilleront par contre, le Grand-duc d'Amérique, la Gélinotte huppée et la Mésange à tête noire demeurant toujours aussi utiles, même dans leur dormance à la saison froide.