LE PETIT SUIVEUX

 

 

                                                       Texte de Michel Bourassa

 

Dans l’avant-midi du 31 octobre 2014, je scrute le marais de la voie ferrée, au chemin des Petites-Terres et ce, malgré le vent assez fort et surtout frisquet pour les doigts, mais rien de bien intéressant à signaler, si ce n’est quelques canards, soit principalement des colverts et quelques noirs; je décide donc de retourner à la maison, tout en regardant dans les champs de la ferme, lesquels sont situés derrière moi, pour apercevoir une tache blanche sous une taure, ladite tache se déplaçant lentement. Après avoir éliminé la possibilité d’un goéland, j’en viens rapidement à la conclusion d’un possible Héron garde-bœufs et en ajustant mes jumelles, tout en approchant de ces champs, la confirmation est de mise et j’en deviens tout ébahi, d’autant plus que, paradoxalement, j’avais évoqué cette possibilité avec un ami observateur, ce à peine quelques mois auparavant, dû à la présence du bétail en ces lieux! Toute une découverte en ce moment et je m’empresse de la communiquer à mes amis les plus proches dans un premier temps et dans un second, de la signaler à la Page des oiseaux rares du Québec.

 

           En moins d’une heure, une photo est prise et la Page des oiseaux rares est, par la suite, saisie de cette trouvaille, et dès le lendemain, plusieurs observateurs et photographes viennent se régaler les yeux en admirant ce petit échassier, lequel est des plus rarissimes sur le territoire de Yamachiche, car la précédente apparition d’un tel spécimen remonte au 5 septembre 1994, à Pointe-Yamachiche, lequel demeura sur le site jusqu’au 8 septembre; une autre visite d’un Héron garde-bœufs avait eu lieu le 9 septembre 1990, ce encore à ladite « pointe » : 20 ans séparent la dernière observation de celle-ci, nous sommes très chanceux! Jusqu’au 9 novembre, le héro du jour se présente à chaque jour, du matin à la fin de l’après-midi, et se donne en spectacle de toutes les façons, soit en suivant une taure en particulier par la marche rapide ou le vol bref, soit en boudant complètement le petit troupeau en s’isolant dans le coin du 2ème champ, près des arbres à proximité de la voie ferrée ou vagabondant près d’un fossé pour capturer un mulot, soit en se perchant sur un piquet de clôture pour se reposer, soit en fouillant dans les bouses pour trouver sa nourriture ou soit encore en demeurant immobile en avant d’une bête couchée pour la fixer de son regard : vraiment captivant dans ces divers comportements et certains photographes s’en sont donnés à cœur joie en prenant des clichés originaux, parfois des plus drôles et parfois aussi, des plus attendrissants.

 

            Cette aventure aviaire a pris une tournure différente le 10 novembre, lorsqu’un 2ème Héron garde-bœufs fait son apparition dans les alentours en faisant une halte à une ferme du chemin des Caron à l’heure du midi, pour ensuite venir rejoindre peu de temps après le premier arrivé, au cul-de-sac du chemin des Petites-Terres, ce vers 13h00 : les ornithologues amateurs sur le site croyaient avoir la berlue, car un c’était déjà bien, mais deux c’était merveilleux, surtout pour des photos! Ce 2ème individu a presque obligé plusieurs personnes à revenir à ces champs et a permis à plusieurs autres de se décider à venir les voir; encore là, des situations assez loufoques se sont déroulées et surtout, de magnifiques clichés ont été captés, autant de près que de loin. Pour de meilleures images à saisir, il fallait marcher sur la voie ferrée et surveiller un possible passage d’un train de marchandises.

 

        

  La petite tempête de neige du 16 novembre, accompagnée d’un vent dérangeant, et précédée de quelques nuits assez froides, a réussi à convaincre nos deux échassiers voyageurs à quitter Yamachiche, ce pour d’autres cieux plus cléments, non sans avoir laissé de merveilleux souvenirs à tous ceux et celles, soit entre 300 et 400 amants de la gent ailée, lesquels ont osé se déplacer pour eux : une décision des plus judicieuses! Le dernier souvenir des deux Hérons garde-bœufs est une émouvante photo prise d’eux par un ami, lesdits hérons se tenant l’un près de l’autre pour se protéger du vent et de la neige et semblant se demander ce qu’ils font là! Encore une fois, très pathétique comme image!

 

        En résumé, du 31 octobre au 16 novembre 2014, la municipalité de Yamachiche a été fréquentée par des gens qui ne connaissaient même pas ce nom, mais dorénavant, il n’en sera plus ainsi, grâce à ces deux raretés du monde des oiseaux. Il faut obligatoirement signaler l’excellente collaboration du propriétaire de la ferme, soit Alain Desaulniers, lequel collabora étroitement avec moi et aussi, avec les premiers visiteurs du matin en confirmant la présence de ces hérons et indiquant même les endroits favoris de ces derniers. Pendant ces 17 jours d’activités aviaires, aucun incident fâcheux ne m’a été signalé, ce qui est à l’honneur de toute la confrérie ornithologique.