AUX QUATRE COINS CARDINAUX

 

                                                       Article de Michel Bourassa

 

              Dans l’avant-midi du 27 décembre 2012, je me dirige vers l’embouchure de la Petite rivière Yamachiche en empruntant sa surface gelée, laquelle devient de plus en plus enneigée en ce début de tempête hivernale; je m’attends à de piètres résultats dans mon recensement quotidien concernant le monde des oiseaux. La seule motivation de cette randonnée vouée à l’échec dès le départ est la mince possibilité de repérer un Grand-duc d’Amérique, lequel serait posé sur une des branches des arbres de chacun des boisés situés de chaque côté de ladite rivière. Comme prévu, un Bruant chanteur et une Mésange à tête noire sont les deux seuls membres de la confrérie aviaire à donner signe de vie et je reviens rapidement à la maison en défaisant mon chemin; à ce moment, les précipitations de neige augmentent et semblent encore pires avec les vents qui se mettent de la partie.

 

            Tout le long de mon parcours, si  le calme plat était de mise dans la gent ailée sur le cours d’eau devenu de plus envahi par la floconneuse manne blanche descendue du ciel, il va en être tout autrement lors de l’arrivée à mon terrain de la cour arrière, car plusieurs espèces d’oiseaux se chamaillent à qui mieux mieux pour occuper les places disponibles de la mangeoire, sans compter tous les autres qui déambulent dessous, ramassant au sol, plutôt dans la neige, les graines de tournesols tombant dudit contenant situé en haut de leur tête. Une table contribue elle aussi à cette frénétique activité de ces petits êtres de plumes et elle va, sans le savoir, me présenter un magnifique spectacle en servant de scène à cinq acteurs habillés de leurs plus beaux atours, lesquels prennent place, un à un, dans un synchronisme parfait, sur l’espace entier de ladite table.

 

           La poudrerie ajoutant à l’ambiance, la table accueille à chacun de ses coins, un cardinal femelle, soit au sud-ouest du point cardinal du sud, au nord-ouest du point cardinal de l’ouest, au nord-est du point cardinal du nord et au sud-est du point cardinal de l’est, tout en ayant au milieu de ses quatre femelles cardinaux, un cardinal mâle posté  à l’endroit privilégié, soit dessous la source de nourriture, la mangeoire. De plus, deux autres mâles cardinaux et une femelle attendent aux rameaux de l’érable Giguère, tout près des cinq attablés : tout simplement ravissant cette représentation improvisée dans la nature déchaînée de cette journée où les oiseaux s’orientent instinctivement vers les postes d’alimentation. Comme quoi, il y a souvent un bon côté à toute situation difficile, comme une tempête, par exemple.

 

          Pour rendre justice aux autres participants ailés, voici la distribution : neuf Chardonnerets jaunes, continuellement suspendus aux ouvertures de la mangeoire, trois Sizerins flammés, seulement de passage comme figurants, quinze Juncos ardoisés, se promenant aléatoirement dans la neige, quatre Bruants hudsoniens, sagement à l’avant-poste, près du poste d’alimentation, douze Mésanges à tête noire, toujours à la course entre les arbres et les graines de tournesol, deux Pics mineurs et un Pic chevelu, dans un va-et-vient inlassable entre la mangeoire et leur tronc favori, et finalement, quatre Tourterelles tristes des plus tranquilles, se nourrissant dans leur quiétude légendaire, ce sous la table aux quatre coins des cardinaux femelles.

 

        Quant à l’espèce du Cardinal rouge, le 27 décembre 2012 s’est terminé avec huit individus, soit trois mâles et cinq femelles, un nombre à faire rougir d’envie tout photographe et tout observateur d’oiseaux.