PÂTÉ À LA VIANDE OU TOURTIÈRE?

 

Article de Michel Bourassa

 

          Selon la région que l’on habite, l’un de ces deux termes est utilisé, si ce n’est pas les deux à la fois, selon la famille concernée. Le pâté à la viande est généralement composé de lard haché et parfois, d’une deuxième viande, soit le bœuf; dans une autre variante, une troisième viande s’ajoute au lard et au bœuf, soit le veau. Plusieurs considèrent qu’employer le nom de tourtière pour l’une ou l’autre de ces recettes devient un sacrilège!

 

        La tourtière (comme la tourtière du lac Saint-Jean) est plutôt pour ces gens un mélange de deux, trois et même quatre sortes de viandes sauvages s’identifiant à de la perdrix, du faisan, du chevreuil, du lièvre, du canard ou toute autre chair semblable; certains changent la composition de la tourtière, selon la viande disponible, en la prenant d’animaux domestiques comme de la dinde, du poulet, du bœuf, du porc, tout en ayant toujours de la viande sauvage : autrement dit, chacun(e) possède sa propre recette.

 

       Le mot tourtière, avant de devenir le mets décrit ci-haut, signifiait et signifie toujours tourte, l’ustensile dans lequel on préparait de la pâtisserie contenant ou non de la viande ou du poisson; c’est devenu tourtière afin d’éviter la confusion avec tourte, signifiant aussi une sorte d’oiseau du même nom. L’oiseau tourte est une variante du mot tourterelle, originaire de la France, et un ou l’autre mot était employé selon la région habitée, et éventuellement apportés (les deux vocables) en Nouvelle-France, lors des débuts de la colonie française.

 

      La Tourte voyageuse a été signalée pour la dernière fois au Québec, en mai 1911, à Pointe-des-Monts, laquelle espèce était des plus abondantes dans les siècles de la découverte de la Nouvelle-France, mais a rapidement décliné face à la facilité de la chasser à cause de sa grande vulnérabilité; tellement peu méfiante et en grande abondance, on pouvait approcher cet oiseau et l’assommer avec un bâton dans les champs de cultures, éliminant ainsi, lentement mais sûrement la population de la tourte, laquelle détruisait, selon les fermiers, une bonne partie des récoltes. D’autant plus que cette espèce ne pondait qu’un seul œuf par année, il est tout à fait normal que cet oiseau était déjà presque complètement disparu avant le début de 1900. Il est plausible de penser que la viande de tourte, souvent mangée par les familles des chasseurs, s’est, à l’occasion, retrouvée dans les tourtières ou les pâtés à la viande, comme vous voulez!

 

     En passant, la Tourterelle triste de nos jours n’a aucun lien de parenté avec la Tourte voyageuse du passé, puisque notre tourterelle n’est apparue au Québec qu’à la fin du dix-neuvième siècle; à tout événement, bon appétit à tous.