LE PETIT RESCAPÉ

Texte de Michel Bourassa

 

        Dans les premières années 2000, un certain avant-midi de fin du mois d’août amène quelques oiseaux de rivages à Pointe-Yamachiche. En compagnie d’un observateur et photographe de la nature, ce dernier remarque un comportement étrange d’une espèce de chevalier, lequel semble être mal en point, ce qui nous intrigue et tout en s’approchant de lui, demeure complètement immobile : ça augure très mal pour ce limicole.

 

        Tout en se faisant chauffer par le soleil, il se laisse facilement prendre par les mains du photographe, lequel constate son peu de vigueur, l’oiseau montrant des signes évidents d’une maladie, d’un empoisonnement ou encore, d’une blessure légère : à tout événement, il a quelque chose d’anormal; alors, mon partenaire du moment me demande de tenir le chevalier, ce afin de prendre quelques clichés, tout en voulant savoir quelle espèce : répondant rapidement que ça correspond à un Chevalier solitaire, je m’aperçois, quelques minutes plus tard, que c’est plutôt un Petit Chevalier. Après les photos, maintenant quoi faire avec notre individu aviaire?

 

       Nous avons comme réflexe immédiat de le mettre en sécurité, tout en lui permettant de se nourrir dans son élément, soit près de l’eau, aux abords des joncs : peut-être qu’il a une petite chance de s’en sauver, malgré l’apparente gravité de son état de santé; personnellement, je ne crois pas qu’il va s’en sortir, car il y a de fortes probabilités qu’un prédateur va le repérer et le capturer, mais ça vaut la peine d’essayer. Le lendemain matin, anxieux de savoir si notre spécimen est encore vivant, et surtout dans une meilleure condition, j’arrive sur les lieux, aux joncs de la ‘’pointe’’, et je retrouve notre handicapé, en solitaire, lequel reprend du poil de la bête, comme l’on dit, tout en demeurant des plus méfiants près de l’eau, prêt à continuellement se cacher dans les herbes denses; je ne suis pas encore rassuré de son éventuel succès de survie.

 

     La troisième journée va apporter une bonne nouvelle, car dès mon arrivée, je vois le Petit Chevalier se sentir beaucoup mieux et se rapprocher des autres Petits Chevaliers, ainsi que des Grands Chevaliers, lesquels sont regroupés; notre chevalier est maintenant plus à l’aise : je suis presque certain qu’il va survivre. Le lendemain du troisième jour va confirmer cette réussite anticipée en le voyant parmi les autres chevaliers, ayant pris la précaution d’avoir compté le nombre de ceux-ci lors des jours précédents, ne sachant même plus où notre petit rescapé est rendu parmi les Petits Chevaliers : nous avons une certaine fierté devant le sauvetage de ce Petit Chevalier, lequel semblait condamné, de prime abord, et cette aventure particulière va toujours être considérée comme un très beau souvenir aviaire.