BOUQUETS DE MOTS FLEURIS
Article de Michel Bourassa
La
flore américaine contient plusieurs noms de fleurs et de plantes
sauvages aux mots pittoresques et le texte ci-dessous va vous en donner
quelques exemples, certains parfois des plus surprenants : donc,
débutons immédiatement.
La Gaillarde jolie, à l’apparence rougeâtre, semble
ignorer la présence de la Grassette
vulgaire en évitant systématiquement les endroits
fréquentés par cette dernière, pendant que la
Belle-de-nuit, au teint de lavande, s’épanouit en fin
d’après-midi, surtout,
après la Dame-d’onze-heures, cette dernière ayant
offert toute sa blancheur aux regards, et avant la Fleur de lune, laquelle
s’ouvrira à la noirceur pour les papillons nocturnes, tout en
voyant la Belle angélique (l’Acorus roseau) qui se retrouve près
d’un quelconque lac, et le Petit prêcheur, lui, pas très
loin, à l’orée d’un boisé humide. Quant aux
Marguerite, Véronique, Violette, Jacinthe, Églantine, Julienne et
Vipérine, entre autres, elles ont emprunté, chacune, leur joli prénom au monde floral des
champs, tout comme pour Rose; les pendants masculins répondent au Barbon
de Gérard, au Géranium de Robert, au Sceau-de-Salomon, à
l’Ivésie de Gordon et à
l’Abutilon de Théophraste.
Le Pied-d’alouette printanier, aux fleurs pourpres, la Liane
langue-à-chat, à tiges grimpantes, le Pas-d’âne
(Tussilage farfara), aux capitules jaunes,
l’Herbe à dindes (Achillée millefeuille), aux feuilles en
frondes de fougère, l’Habénaire
papillon, en épi dense, la Pogonie
langue-de-serpent, à fleurs roses ou blanches, le Raisin de couleuvre
(Smilax herbacé), le Rognon-de-coq (Streptope rose),
le Lis léopard, aux fleurs rouge orangé, le Lis tigré, aux
fleurs orange mouchetées, l’Hémérocalle fauve, aux
fleurs fauves en trompette, l’Herbe porc-épic, aux épillets
blonds, l’Herbe à bison, plante fourragère, l’Herbe
à bernaches (Mousse de mer), la Cotule
corne-de-cerf, aux tiges rampantes, les Oreilles-de-mule, aux grandes feuilles
velues, les Symplocarpes (Chou puant), le
Chèvrefeuille de Virginie, aux fleurs de nectar miellé,
l’Herbe du cheval, aux fleurs jaunes et tubulaires, la Langue-de-chien,
aux fleurs rouges, le Raisin de loup (Morelle américaine), aux fleurs
étoilées, les Petits cochons (l’Asclépiade commune),
aux fleurs roses, l’Herbe à canards (Trèfle d’eau),
l’Herbe à la puce (Bois de chien), la Gobe-mouches, plante
carnivore, et la Patte-de-loup (renoncule), ont choisi le monde animal afin
d’obtenir un nom ou un surnom significatif pour chacune d’elles,
soit fleur ou plante.
À la vue de la Prunelle vulgaire, l’Iris de Virginie
amène à l’Herbe d’amour afin, si possible, en compagnie de
l’Étoile du matin, de permettre à l’Immortelle qui la
côtoie, d’éloigner l’Ariséma
dragon en l’exorcisant avec la présence du Petit prêcheur.
L’Impatiente du Cap, la Menthe des champs, se foutant de la Drave
printanière, mais l’Ancolie bleue absente, n’attend rien de
Lobélie du cardinal, encore moins de la Cardinale bleue,
préférant s’en remettre au Sabot de la Vierge, la Spiranthe penchée déjà sur les
malheurs de la Desmanthe de l’Illinois. Ce
paragraphe peut aussi s’écrire ainsi : à la vue de la
prunelle vulgaire, l’iris de Virginie amène à l’herbe
d’amour afin, si possible, en compagnie de l’étoile du
matin, de permettre à l’immortelle qui la côtoie,
d’éloigner l’ariséma dragon
en l’exorcisant avec la présence du petit prêcheur.
L’impatiente du Cap, l’amante des champs, se foutant de la drave
printanière, mélancolie bleue absente, n’attend rien de
l’homélie du cardinal, encore moins de la cardinale bleue,
préférant s’en remettre au sabot de la vierge,
l’aspirante penchée déjà sur les malheurs de la
démente de l’Illinois; comme quoi la langue française peut
être manipulée (et même malmenée) à qui mieux mieux.
Le Bourreau des arbres (Célastre
grimpant) reste indifférent à la Rhubarbe des pauvres (Euphorbe
cyprès), voulant probablement aussi oublier la Passiflore de mai, du
fait que la Grande éclaire (Chélidoine majeure) frappa
après la crucifixion du Christ; la Vigne vierge, accroupie près
du sol, avec les Patates en chapelet (Apios d’Amérique),
apprécie la Gloire du matin. Pendant ce temps, la Fleur d’une
heure (Ketmie vésiculeuse), par la Pensée des champs,
enlève tous les Soucis d’eau (Populages) en faisant rêver
à la Lavande de mer, à la Mauve musquée, au Lotus d’Égypte,
au Lis d’eau blanc et au Bouton d’or (Renoncule âcre) pour,
ainsi mettre un terme au dernier des bouquets de mots fleuris de ce texte, ce,
avec les Bouquets rouges (Épilobe à feuilles étroites), et
lesquels sont tous nés sous les signes de la beauté et de la
variété.