LE CONSTRUCTEUR

 

           Assis confortablement à l’ombre, sous les arbres tout près de la rivière, je surveille le va-et-vient des oiseaux, ce par une chaleur écrasante; pour une des rares occasions, je me sens parfaitement à l’aise de flâner sans remords. A part quelques Bruants chanteurs qui s’égosillent comme toujours et deux ou trois Chevaliers grivelés qui se promènent au bas du cours d’eau, c’est une tranquillité relative qui existe en ces instants dans la communauté aviaire.

 

           Cette paix est quelque peu brisée par l’arrivée de l’autre rive d’un Pigeon biset, lequel m’ignore complètement pour se poser et marcher nerveusement tout en soulevant de son bec des bouts de branches de peupliers et les relâchant aussitôt, avant d’en saisir une et s’envoler de l’autre côté de la rivière , à l’avant-toit de la grange à foin du voisin. A peine deux minutes plus tard, il revient et il choisit minutieusement une autre ramille sèche pour s’éloigner au même endroit, soit à la grange; il répète ce rituel pendant tout le temps que je l’observe, soit au moins vingt minutes, avec toujours le souci du détail, semblant mesurer, à chaque fois, la longueur des brindilles avant son choix.

 

           Le voyant se diriger toujours à la grange et au même coin de l’avant-toit, je comprends qu’il construit son nid avec ces matériaux et qu’il n’a rien à foutre de ma présence; alors, je m’en vais à la maison, le laissant travailler en paix.

 

 

 

 

 

 

L’AFFAMÉ

 

             Un œuf de Vacher à tête brune ayant éclos dans un nid d’un couple de Bruants chanteurs, l’oisillon, plus gros que les petits bruants, a basculé ces derniers en bas du nid et ce, afin d’être le seul à se faire alimenter par ses nouveaux parents, puisque les siens l’ont abandonné, comme c’est leur habitude, d’ailleurs.

 

              Avant le souper, je me promène dans le sous-bois et sur une branche, à proximité de la rivière, j’entends le jeune Vacher à tête brune se lamenter à tous les saints, le bec tout grand ouvert, dans l’espoir de se le faire fermer au plus vite avec de la bouffe, ce qui se fait par l’arrivée soudaine d’un Bruant chanteur; ce dernier repart aussitôt, pour réentendre crier le jeune affamé, déjà deux fois plus gros que ses parents adoptifs. Quelques secondes à peine et le second membre adulte lui offre une chenille, vite avalée par ce glouton.

 

              Les deux Bruants chanteurs n’en fournissent plus de voyager et ils doivent sûrement avoir hâte de le voir quitter le nid, d’autant plus que ce n’est pas leur progéniture : quelle abnégation et dévouement quand même!