CAPTURES MÉMORABLES D’ESTURGEONS

Pendant mes années de pêche commerciale à l’Esturgeon de lac, au lac Saint-Pierre, soit de 1973 à 1988 pour la pêche à la ligne dormante, laquelle fut abolie par le M.L.C.P. (Ministère des loisirs et de la Pêche), j’ai eu la chance de capturer de gros spécimens et aussi, de revenir du large avec des récoltes très intéressantes; en voici quelques-unes.

Le premier esturgeon à m’impressionner est immobilisé par la ligne maîtresse et celui-ci s’est enroulé en amenant deux petits individus de son espèce avec lui, ce qui devient assez difficile à retirer des hameçons, à cause de cette masse serrée en un tout; par contre, pour le « monstre » de 73 livres, c’est une bénédiction, n’ayant qu’à l’embarquer par les ouïes. Un début de soirée de septembre me donne aussi la chance de remonter un spécimen des plus intéressants et ce, assez facilement car, en levant la ligne, dès les premiers hameçons, le poisson arrive rapidement à la surface, pour redescendre immédiatement vers le fond; mais, je remarque qu’il a fait une loupe avec la corde et qu’il passe dedans, ce qui me donne le temps de serrer celle-ci et de le saisir par la queue, me permettant de l’amener ainsi dans la chaloupe. Cet esturgeon pesait 52 livres et ressemblait à l’espèce « Huso huso » de Russie, laquelle est massive et trapue dans son apparence gris pâle.

Une journée inoubliable est celle de 75 prises, soit 50 esturgeons, le matin et 25 autres, le soir; ces deux séances de pêche ne seront jamais oubliées, car 13 de ces poissons pesaient entre 13 et 40 livres, la catégorie la plus payante! Plus de $700.00 pour cette pêche presque miraculeuse en ce jour du début 1980, c’était plus que respectable.

Un très beau spectacle, devenant aussi des plus rémunérateurs, est la levée d’une des lignes maîtresses et de voir surgir, dans les premiers instants, celle-ci à la surface, sur presque toute sa longueur avec trois « requins d’eaux douces », entre 30 et 50 livres chacun, la contrôlant à leur guise, dont deux avec seulement une empile les séparant, devenant une délicate opération pour les embarquer; ces trois esturgeons ne causent, heureusement, aucuns problèmes.

Dans la même période, un certain samedi du mois d’août, je dois aller lancer une partie de baseball à Maskinongé et mon instructeur m’offre le transport; comme la joute a lieu à 15 :00 heures, j’accepte à la condition que dès que c’est terminé, le retour doit se faire immédiatement à la maison, car je dois aller pêcher à l’esturgeon. L’entente est respectée, même si ledit instructeur veut demeurer avec les joueurs, ce, pour fêter la victoire. Avec mon aide-pêcheur, nous nous rendons rapidement aux lignes dormantes et en appâtant aux deux hameçons (appât, pas d’appât, appât, pas d’appât), je réussis à terminer avant la noirceur les cinq lignes de 45 hameçons chacune, environ. Vérifiant toujours les deux premières lignes avant chaque départ, dès que je fais le transfert vers la deuxième, je sens une puissante secousse sur le « maître » (la corde principale) et à ce moment, je sais qu’il y a une bonne capture; mais, en arrivant à proximité de l’esturgeon, je réalise qu’il est plus imposant qu’anticipé et je demande la collaboration de mon aide-pêcheur pour le faire entrer dans l’épuisette géante, soit de lui faire plier la queue, car ce poisson est encore trop fringuant : après avoir réussi parfaitement cette opération et l’avoir basculer dans la barque, l’esturgeon devient très actif en sautillant avec l’aide de sa queue et mon homme de main doit s’asseoir dessus pour nous rendre au rivage. Cet « esturgeon jaune » pesait 85 livres, le plus gros ayant été sorti de l’eau, lors de mes années de pêche.

Une capture des plus originales est survenue par une journée chaude de juillet de ces mêmes années et le scénario est digne d’un film. Devant partir à la fin de l’après-midi, pour aller voir jouer les Expos de Montréal, je quitte plus tôt que d’habitude, le matin, pour mes « grandes lignes », et dès mon départ, je frappe un pneu enlisé dans la rivière, ce qui fait décrocher le moteur de l’arrière de la chaloupe; heureusement à proximité de chez moi, je récupère assez facilement le moteur et je rame jusqu’à la maison, pour téléphoner à mon aide-pêcheur et l’envoyer immédiatement avec ce dit moteur à Louiseville pour le faire nettoyer, d’autant plus que ce dernier est neuf. Une heure plus tard, le moteur est en parfait état et je me précipite au travail, espérant terminer rapidement et ce, afin de pouvoir y retourner au début de l’après-midi; encore une fois, j’appâte aux deux hameçons, tout en ramassant les quelques esturgeons s’y trouvant, une petite pêche, quoi! À peine deux heures après le retour au domicile, je retourne sur les lignes en opérant comme dans la matinée et sur la troisième ligne, à peine arrivé au tiers de celle-ci, je la vois soudainement lever à la surface de l’eau, tout en voyant, au loin, un « courailleux de battures », soit un esturgeon de forme allongée et il est, en effet, très long. Plus j’approche de lui, plus il se promène à la surface, en traînant même la chaloupe, en l’amenant, tantôt au large, tantôt vers l’opposé : je n’ai qu’une chose à faire, soit de le laisser faire, car, dans cette chaleur, il va se fatiguer et c’est précisément ce qui arrive lorsqu’il approche du flanc droit de la barque et qu’il est parallèle à lui; c’est le temps de le saisir avec la fameuse épuisette et il y entre, sans trop résister, dû aux efforts déjà déployés. Cette folle journée de pêche remplie d’émotions se termine avec un Esturgeon de lac de 63 livres, ce qui était totalement inattendu dans les circonstances; je peux maintenant me rendre au baseball, car le tout a été exécuté dans les délais prévus.

Il est à espérer que ces quelques aventures de la pêche commerciale à l’Esturgeon de lac ont intéressé chacun de vous; à la prochaine.