Conte pour tous (1961)

LE PETIT RENARD TAKI

(Deuxième partie)

Durant le repas, ils entendirent des coups de feu dans la clairière; c’était le propriétaire qui chassait les étourneaux de son champ avec sa carabine. L’ours ne semblait aucunement troublé, car il savait que le paysan n’allait que très rarement dans le bois et quand il y allait, ce n’était que pour pêcher ou couper quelques arbres pour son utilité. Ce dernier n’a jamais causé aucun soucis à Zito, car il a toujours aimé beaucoup les animaux; ils continuèrent à manger. Tout en écoutant les aventures de Zito, Taki et Lagui l’examinèrent longuement et trouvèrent que sa bonté et sa douceur n’avaient pas de borne. Voilà que déjà une autre journée vient de se terminer et que les trois joyeux lurons ont à peine vu passer.

Durant le jour, ils remarquèrent dans le ciel, de gros nuages noirs, mais ils n’en firent aucun cas. Voici que durant la nuit, un terrible orage réveilla nos trois copains, car ils dormaient près d’un énorme chêne, et ils se firent « mouiller ». Voyant cela, ils allèrent se cacher sous un rocher; ce rocher a été fait par Zito pour des occasions semblables. Une fois le gros de l’orage passé, ils purent se rendormir dans la tranquillité. Le lendemain fut un début de journée monotone pour nos camarades et ils ne savaient que faire. Taki, intelligent comme toujours, trouva un moyen de se récréer; il prit un petit arbre, un caillou et un arbre comme objectif. Zito et Lagui ne comprenaient pas beaucoup ce que faisait Taki. Il s’agissait d’atteindre l’arbre en mettant le caillou sur le petit arbre penché en forme de demi-cercle; en lâchant l’arbrisseau, le caillou partait en direction de l’arbre et s’arrêtait dessus quand on visait bien. Zito et Lagui trouvèrent ce plan très ingénieux et ils s’amusèrent toute la journée.

Alors qu’ils s’en attendaient le moins, une grande rafale s’engagea avec rapidité dans le bois. Heureusement pour eux, ils trouvèrent refuge dans un trou, car autrement, ils se seraient retrouvés inconscients près d’un arbre ou emportés par le vent, à plusieurs pieds de là.

Chaque année, à cette période, les cours d’eau débordaient et envahissaient la forêt où nos amis s’étaient réfugiés. N’ayant pas prévu cela, Zito dit : « Il n’y a qu’une chose à faire, nous éloigner de la caverne, car l’eau sera bientôt rendue ici »; aussitôt dit, aussitôt fait. Tandis que Zito et Taki couraient, Lagui les suivait par la voie des airs, car maintenant, il était complètement guéri et pouvait voler. Lorsque l’eau fut hors de leur portée, ils s’arrêtèrent dans une partie du bois et y établirent un camp rudimentaire en attendant que le lit de la rivière revienne à la normale.

Après avoir passé deux longues semaines à vivre très simplement, ils purent regagner leur boisé et continuer le cours normal de leur vie. Zito, l’ours sage, commençait à sentir le poids de la vieillesse et l’on pouvait remarquer que les traits de son visage se ridaient avec plus de facilité qu’auparavant. Et c’est ainsi qu’un bon matin, Zito ne devait plus revoir le jour, car il était mort durant la nuit, à cause de son vieux cœur qui ne répondait plus à l’énergie que son corps avait besoin. Le premier à s’apercevoir de la mort de Zito fut Lagui qui venait de se faire réveiller par les maringouins; imaginez donc sa surprise de voir Zito inanimé sur le sol, ce dernier, qui d’habitude était toujours le premier levé. Lagui, ne sachant que faire dans cette situation, se précipita vers Taki pour lui rendre compte de cette nouvelle; Taki, aussitôt, se mit sur pied et constata la mort de leur cher ami. Ils pleurèrent si amèrement la perte de leur meilleur copain qu’ils oublièrent pour quelques moments de trouver un endroit tranquille pour faire reposer son corps.

Ceci fait, ils ne se sentaient plus les mêmes, car sans Zito pour les conseiller, sans Zito pour les défendre, sans Zito pour les divertir, ils s’aperçurent que tout était changé. Il fallait bien se résigner à cela mais ce fut très difficile pour eux, car ils avaient du cœur au ventre et ils ne pouvaient penser à quelque chose sans penser un peu à Zito.

Une fin tragique était destinée à nos deux amis.

Un bon matin, d’une journée qui s’annonçait belle et chaude, notre paysan, un peu avancé en âge, décida d’aller se couper quelques arbres dans le bois pour finir de faire sa clôture. Comme il était un grand fumeur, il alluma sa pipe et jeta son allumette; mais voilà, elle n’était pas complètement éteinte et elle déclencha un feu. Taki et Lagui, qui s’étaient couchés tard la veille, dormaient encore sur leurs deux oreilles, par-dessus le marché; le feu forma un certain cercle, dans lequel tous les deux se trouvaient. La chaleur du brasier « saisit » nos deux amis, ce qui donna comme résultat de les réveiller.

Voyant cela, Taki dit à Lagui : « Sauves-toi, moi, je vais essayer de passer à travers les flammes ». Lagui survola le bois sans difficultés mais Taki, lui, perdit connaissance à cause de la trop grande chaleur qui le pressait de tous côtés. Lagui, ne voyant pas Taki suivre en bas, revint sur ses pas et l’aperçut étendu sur le sol, au milieu des flammes. Lagui, très attaché au petit renard, se précipita auprès de lui pour lui faire reprendre ses sens, mais il était trop tard, car le feu était déjà rendu sur eux.

Lagui mourut asphyxié en disant ces derniers mots : « Ça ne me fait rien de mourir, car au moins, je meurs auprès de mon meilleur ami ».

 

FIN

 

Morale : La triste fin de ce conte ne devrait jamais être une fin en soi lors d’une situation semblable dans la vie de tous les jours, car l’amitié ne doit jamais passer avant la vie, à moins d’avoir une certaine chance de sauver celle de tout autre être humain. Mais lorsque l’on n’est pas directement concerné, c’est beaucoup plus facile à dire qu’à faire et la réaction est instantanée : c’est une décision strictement personnelle, selon sa personnalité, et alors, le raisonnement n’existe plus.