ÉBOULIS DU CHEMIN DE LA « POINTE »

En ce 9 septembre 2004, je suis déjà installé sur la plage de la pointe Yamachiche, en plein après-midi et ce, afin d’observer les oiseaux de rivage, lors de leur passage à la migration d’automne; le ciel est actuellement très menaçant et la pluie est imminente, d’autant plus que l’ouragan américain « Frances » va laisser ses traces sur la région de la Mauricie par ses averses abondantes dans les prochaines heures. Mais ce qui va survenir va tout simplement dépasser ces prévisions météorologiques et les constatations ne seront faites que le lendemain avant-midi.

Comme d’habitude, je me concentre en ce 9 septembre, à identifier les espèces présentes et je me dépêche, car la pluie a commencé ses frasques, ce qui importune ma vision dans les jumelles. Je réussis quand même à repérer quinze Bécasseaux maubèches, quatre Bécasseaux variables, environ cent quarante Bécasseaux à poitrine cendrée, une trentaine de Bécasseaux sanderlings, tout près de soixante Bécasseaux minuscules, environ soixante-dix Bécasseaux semipalmés, quarante-cinq Pluviers semipalmés, trois Tournepierres à collier, un Bécassin roux, deux Pluviers argentés, deux Petits Chevaliers, deux Grands Chevaliers, au moins deux cent cinquante Cormorans à aigrettes, une Mouette de Bonaparte, une soixantaine de Sternes pierregarins, un Grand Héron, cinq Hirondelles rustiques, quinze Goélands marins, près de quatre-vingt dix Goélands à bec cerclé, deux Goélands argentés et quelques Corneilles d’Amérique; c’est le portrait complet de la faune ailée en ce moment et il est temps que je cesse, car les loupes sont complètement trempées et la buée commence à se former à l’intérieur de celles-ci, dans les jumelles.

Ayant de plus en plus de difficultés à voir, tellement que je confonds presque les espèces, je me résigne à quitter les lieux, avec les fortes ondées qui s’abattent sur moi : les intempéries de l’ouragan Frances sont dorénavant arrivées et l’itinéraire de six kilomètres en vélo pour réintégrer mon domicile est assez long, merci! Rendu à la maison, j’oublie tout et je suis déjà prêt pour le lendemain, car j’ai la conviction que les limicoles seront encore plus nombreux, avec peut-être, une ou deux surprises.

Le 10 septembre, vers les 10:00 heures, je me retrouve dans le chemin conduisant à la pointe Yamachiche et, effectivement, une surprise m’attend, mais absolument pas celle que je voulais la veille; deux de mes amis observateurs m’attendent à la première courbe de la route, où l’eau la traverse complètement, et ils m’avisent qu’il est impossible de continuer et qu’en plus, plusieurs arbres sont tombés dans la rivière, suite à un éboulis causé par les pluie diluviennes d’hier, lesquelles ont considérablement gonflé le niveau des eaux. Ces mêmes eaux ont réussi à quelques points stratégiques de la rivière, à déborder et à envahir le boisé avoisinant.

Connaissant très bien le chemin menant à la pointe, j’informe mes copains d’observation de mon intention de rallier ce site et je m’exécute en vélo, en passant sur cette route sinueuse et inondée à plusieurs endroits, parfois jusqu’à la moitié des roues; rendu vis-à-vis les cinq grands peupliers habituels, la réalité me saute en pleine face, car ces cinq géants des bois sont couchés dans la rivière, conséquence de l’éboulis de la terre à la rive ouest, soit celle à mes pieds : scène très désolante à première vue, mais providentielle dû à cette manifestation naturelle ayant emporté une grande partie du chemin. La nature a bien fait les choses, car dans l’avenir, l’endroit ne sera plus fréquenté par les véhicules, lui donnant une vocation récréative écologique et le confirmant dans son titre de site majeur pour l’observation des oiseaux de rivage.

Ayant contourné l’éboulis, je continue jusqu’à la pointe Yamachiche, où l’eau du lac Saint-Pierre a envahi entièrement la plage, ainsi que celle de la rivière (Grande rivière Yamachiche); de ce lieu, je vois seulement quelques spécimens d’oiseaux, sans plus, et je suis dans l’obligation de revenir sur mes pas. Depuis ces fameux événements, le chemin de la pointe Yamachiche est devenu une voie d’accès pédestre pour tous les amants de la nature, où il est maintenant possible de laisser son auto à son début et ce, au stationnement de douze véhicules.

Encore une fois, cet éboulis a résolu beaucoup de problèmes, d’autant plus qu’à l’automne 2008, la passerelle de la pointe Yamachiche, laquelle passe dans le boisé du fond de la « petite baie », a été terminée et est maintenant accessible à toute la population; ce qui était à une certaine période, un casse-tête, est devenu une situation dans laquelle tous les morceaux sont tombés en place.