DES DEMOISELLES À MES PIEDS

Régulièrement, l’ornithologie réserve des surprises agréables et en ce 24 octobre 2008, je vais en avoir une et en plus, elle ne viendra pas du monde des oiseaux.

Le soleil, encore assez puissant en cette journée automnale, je prends le risque de me faire bronzer près de la Petite rivière Yamachiche, tout en tentant de repérer les oiseaux pouvant se trouver dans les alentours. Toujours face au disque jaune et ce, afin d’obtenir le maximum de chaleur, une Buse à queue rousse plane dans le ciel dégagé et sans trop m’en rendre compte, une petite Demoiselle apparaît à mes pieds, soit sur un de ceux-ci, avec délicatesse, tout comme deux autres de ses compagnes, lesquelles optent pour le dessus de l’autre membre inférieur; ces trois Demoiselles filiformes se contentent de leur position, semblant confortables pour le moment.

La popularité de mon corps ne s’arrête pas là, car cinq autres de ces jolies Demoiselles s’emparent de mon thorax à tour de rôle, pour finalement y demeurer et ce, sans trop bouger, frissonnant seulement quelque peu en de très rares occasions; ces huit Demoiselles ont sûrement été attirées par la chaude température de ma peau brunie, laquelle est toujours exposée aux rayons de l’astre lumineux, et elles emmagasinent le plus d’énergie possible émanant de cette surface accueillante. Dans mon immobilité, je me laisse caresser par ces Demoiselles à la couleur jais et par l’arrière, une neuvième me prend par surprise dans le cou, en imitant ainsi ses amies; je suis présentement le centre d’attraction pour ces neuf nymphes d’un passé tout récent et ça crève les yeux qu’elles n’ont comme seul but que d’abuser de la chaleur de mon corps, laquelle chaleur est des plus éphémères, au fur et à mesure que les minutes passent.

Comme toute bonne chose a une fin et que le cercle diurne perd de son ardeur, les « crève-z-yeux » (car ce sont de neuf insectes, membres de la famille des libellules, qu’il est question en ce moment) se font doucement chasser par mes déplacements, tout en me revêtant. Comme des papillons, ces petites cousines des aeschnes se posent au sol, sur les tiges de foin couchées, et continuent à recueillir les derniers reflets du soleil, lequel est de moins en moins présent : le bourdon de la noirceur va bientôt sonner.

Cette expérience, toute nouvelle pour moi, a été pleinement goûtée, car elle était complètement imprévue, ce qui est doublement satisfaisant, d’autant plus que c’est préférable aux piqûres de maringouins!