LES QUÊTEUX À YAMACHICHE
Texte de Michel Bourassa
Sources : Michel Desaulniers, André Desaulniers, Daniel Coulombe,
Normand Buisson, Yvon Masson, Gaétane Trudel (Chartier) et expériences
personnelles.
Photos : Collection André Desaulniers.
La première image qui se présente d’un quêteux est celle de
Jambe-de-bois du téléroman télévisé « Les Belles Histoires des
Pays d’en Haut » de Claude-Henri Grignon. À cette époque, soit vers
1890, un mendiant devait obtenir un permis dans certaines
municipalités afin de passer aux maisons pour demander la charité; dans
certaines autres, ce n’était pas nécessaire. Un quêteux, de nature,
était un homme d’âge adulte, sans travail, qui choisissait de gagner
humblement sa vie en faisant du porte-à- porte pour demander de la
nourriture et parfois le gîte pour coucher; il va de soit que ce choix
comme genre de travail demandait beaucoup d’énergie par les nombreux
milles parcourus à pied et qu’il fallait, en plus, être des plus polis
pour obtenir un petit quelque chose des propriétaires sollicités. Il y
avait souvent des portes fermées pour ces mendiants.
Il y avait des rumeurs des plus farfelus concernant ce type de
personnage, soit qu’il fallait absolument lui faire la charité car,
autrement, il avait le pouvoir de jeter un sort à la famille comme la
maladie et pour une femme enceinte, la naissance d’un enfant infirme, ce
dernier ayant souvent la tête d’un animal (chat ou chien, entre
autres!). C’est l’une des raisons qui expliquait la présence d’un petit
coin retiré de certaines maisons dans la municipalité de Yamachiche et
dans la plupart des villages de la région pour ces personnages colorés
et parfois même un peu craint.
La seule fois d’un souvenir d’un quêteux chez mes parents fut au début
de la décennie 1950, lors de la soirée d’un mois de novembre. À ce
moment, un mendiant se présenta au domicile et déjà dans ma chambre,
j’entendais ma mère dire à mon père qu’elle ne voulait pas voir cet
homme coucher dans la maison, ce à cause de nous, les enfants, soit pour
notre sécurité. Après lui avoir donné à manger, comme mon père ne
voulait pas qu’il dorme dehors, il lui proposa de coucher dans le
camion, à côté de la maison, avec des couvertures; ce qu’il accepta de
faire. Tôt, le lendemain matin, ce quêteux était déjà parti lors de
notre réveil, ce au grand soulagement de ma mère.
À la même période, un itinérant frappe à la porte de Réal Buisson, ce
sur la rue Saint-Joseph, pour voir son épouse venir lui répondre (Réal
étant absent, parti au travail) et lui demander ce qu’il veut; en se
présentant comme un quêteux, elle lui offre un morceau de tarte aux
pommes, ce qu’il refuse. Alors, elle lui propose de manger une soupe
chaude, ce qu’il ne veut pas encore, car c’est de l’argent qu’il attend
recevoir!
À ce moment, madame Buisson lui dit qu’elle n’en a pas et ce mendiant
commence à lui
parler agressivement, la menaçant presque, pour finalement quitter la
maison tout en chialant, ce sous les yeux d’un de ses jeunes enfants.
Heureusement, un tel comportement était peu courant chez les quêteux.
La mendicité à Yamachiche était courante au fil des ans et ce, jusqu’au
début des années 1960, au moment où les œuvres de charité et les
organismes sociaux ont pris en charge plusieurs miséreux parcourant les
rues pour se nourrir et se loger. Un peu plus tard, le bien-être social
est venu en aide à ces gens dans la misère. Mais il faut quand même
mentionner quelques cas intéressants de quêteux qui ont passé dans notre
municipalité et le premier de ceux-ci est le suivant :
Vers la décennie 1950, un mendiant de l’extérieur de Yamachiche, inconnu
de la majorité des gens, avait pris l’habitude à chaque année de souper
chez J.-Armand Pellerin, pour ensuite accepter de passer la nuit dans sa
demeure, ce qui dura assez d’années pour devenir ami avec J.-Armand,
celui-ci toujours aussi accueillant. Une bonne journée, J.-Armand
Pellerin décida de se rendre à Montréal dans un magasin à grande surface
afin d’y faire des achats et à sa grande surprise, en se promenant dans
celui-ci, il rencontra notre fameux quêteux, tout habillé d’un habit des
plus chics, lequel homme se dirigea vers son bienfaiteur de Yamachiche
en le recevant chaleureusement car cet établissement était le sien! Bien
oui, après avoir demandé des explications pour cette situation bizarre,
de prime abord, le « quêteux de Yamachiche » n’en était pas un en
réalité, mais faisait cela tout simplement pour se changer les idées de
son commerce en prenant des vacances tout en rencontrant des gens de
cette façon; vraiment très original!
Photo (22 juin 1956): Quêteux et son poney avec Claude
Marcotte
(fils de Léo Marcotte), en face du collège, à Yamachiche.
À la même période et dans le même style de mendiant, un autre oeuvrait à
Louiseville et les localités environnantes en se déplaçant avec une
voiturette tirée par un chien. Quelques personnes ayant connu cette
époque se remémoreront sûrement de lui.
Dans le début des années 1960, un autre itinérant vivant de mendicité
passait aux maisons de Yamachiche, lequel avait un air sévère et portait
un long manteau noir avec un chapeau sur la tête, ce qui intimidait
certains enfants.
Pour le prochain exemple d’un mendiant à Yamachiche, il s’agit d’un
individu presque totalement aveugle, un dénommé Beaucage, étant obligé
de se déplacer d’une maison à l’autre avec l’aide d’une autre personne,
pour monter les marches, entre autres. Ce personnage assez spécial avait
pris comme résolution de ne pas perdre trop son temps et de faire les
domiciles où les gens étaient les plus généreux! Homme d’affaires ou un
peu paresseux? Comme il ne distinguait pas l’argent, surtout en papier,
il s’informait à son aide de la journée combien on lui avait donné et
lorsqu’il jugeait que ce n’était pas assez, il bougonnait! Sans le
savoir, est-ce que ce fut le début du salaire minimum? Par contre, une
de ses qualités était de faire confiance à son partenaire, car il aurait
pu facilement se faire voler. Ça se passait à la
décennie 1960.
Photo : Une canne de quêteux qui a déjà appartenu à l’un
d’eux.
À la fin de la décennie 1970, un autre mendiant termina sa carrière, si
l’on peut dire, à Yamachiche, car natif de la région de Louiseville, il
avait parcouru les maisons du comté de Maskinongé, principalement celles
de Louiseville, pendant plusieurs années et tenait absolument à terminer
le tout dans notre région. Selon lui, il avait fait la dernière Guerre
Mondiale (1939-45) en allant à Dieppe tout en réussissant à revenir sans
trop de séquelles. Les gens le surnommaient « Le Zim » à Gamache, lequel
mendia à quelques domiciles seulement et pendant très peu de temps,
avant que l’on perde ses traces et
ne plus avoir de nouvelles de lui, par la suite. Bizarre de situation
quand même! Ce quêteux aurait été le sujet d’un article dans le journal
Le Nouvelliste, ce au début des années 1980.
Le personnage suivant n’était pas un quêteux qui passait aux portes
mais il était aussi, sinon plus pauvre que chacun d’entre eux. Demeurant
sur la rue Saint-Jean (maintenant boulevard Duchesne) dans une vieille
maison au plancher directement sur la terre, notre homme, soit Wildey
Milot, vivait très simplement, sans électricité; d’ailleurs, lorsque des
jeunes voisins près de la vingtaine allaient lui rendre visite, aimant
raconter des histoires de son passé, l’un desdits jeunes apportait
souvent une lampe de poche pour éclairer l’intérieur de la demeure ou
ils veillaient tout simplement sur la galerie avec cet homme solitaire.
Comme plusieurs citoyens de la rue, il puisait son eau dans le ruisseau
à l’arrière de sa maison, ce pour se laver. Notre ami Wildey, connu par
toute la population de Yamachiche et même par plusieurs personnes des
paroisses des alentours, réussissait à obtenir quelques sous en
ramassant des bouteilles vides en vélo, possédant quelques territoires à
parcourir, soit des abords de route partant de Yamachiche pour y
revenir, des allers-retours en somme. Wildey (comme tout le monde
l’appelait) devait sûrement obtenir un peu d’aide pour vivre par
les organismes de la municipalité, car il a terminé ses jours dans un
C.L.S.C., soit à Louiseville. Cet homme du passé sans malice va
certainement rappeler des souvenirs à plusieurs.
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